Aujourd’hui, le télétravail est pratiqué par un tiers des salariés. Au-delà des considérations liées à une meilleure gestion des équilibres de vie, les télétravailleurs comme les dirigeants constatent un bénéfice au niveau de la quantité et de la qualité du travail rendu. Plus productifs, plus efficaces, et plus autonomes, les salariés qui télétravaillent sont plus engagés dans leur travail. Mais si le travail à distance est un booster d’engagement, ce mode de travail peut aussi engendrer un risque de surengagement et mener à des cas de burn out.
Flore Barcellini et Marc-Éric Bobilier Chaumon, tous deux professeurs au CNAM et spécialistes des mutations du travail, nous expliquent comment ce mode de travail peut être à double tranchant.
« Le télétravail favorise un engagement favorable pour l’entreprise, en termes de productivité », déclare Marc-Éric Bobilier Chaumon, professeur au Cnam. L’expert confirme ainsi que la pratique n’altère pas la motivation du collaborateur et peut, contrairement aux idées reçues, être un facteur de productivité pour les organisations. De leurs côtés, au-delà des considérations liées à une meilleure gestion des équilibres de vie, les télétravailleurs constatent en effet un bénéfice au niveau de la quantité et de la qualité du travail rendu.

Malakoff Humanis

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Mais si la pratique du télétravail a une réelle incidence sur la performance des entreprises, elle doit néanmoins être bien accompagnée pour éviter subir le revers de la médaille.
Former salariés et managers
Flore Barcellini, professeure en ergonomie au Cnam met en garde : « Il faut faire attention à ne pas transposer le lieu de travail à l’identique quand on est à la maison. Il est nécessaire de se faire accompagner par des professionnels lors de la mise en place de nouvelles formes de travail, et notamment du télétravail ». Sans oublier que l’être humain reste un animal social qui a besoin de la reconnaissance de ses pairs. « Le salarié a besoin de faire partie de l’entreprise, même lorsqu’il est absent », ajoute Marc-Éric Bobillier Chaumon.
« Le salarié a besoin de faire partie de l’entreprise, même lorsqu’il est absent »
Marc-Éric Bobillier Chaumon, professeur au CNAM
Alors comment faire pour que le télétravail se passe au mieux ?
Une partie de la réponse est à chercher du côté de l’encadrement et de l’organisation du travail. Car le télétravail n’est pas l’affaire du seul collaborateur à distance. Pour les managers aussi, la question des conditions de la mise en place du télétravail se pose. Les méthodes et le management changent. Flore Barcellini préconise de « ne pas minimiser les reconfigurations des activités collectives et d’associer des spécialistes du travail au projet de mise en place du télétravail ».
Car même si le télétravail est demandé par les salariés, 64% des managers déclarent n’avoir pas été ni formés ni accompagnés dans la mise en place du télétravail au sein de leur équipe. Cet absence de formation en télémanagement a des conséquences sur la santé des télétravailleurs. Ainsi, Marc-Éric Bobilier Chaumon souligne par exemple le phénomène de surengagement : « Le salarié peut se sentir privilégié et redevable de sa situation en travaillant plus et faisant acte de présentéisme par mail ». Un cas qui devrait motiver managers et salariés à mettre en commun leurs bonnes pratiques. Alors quelles sont les (autres) préconisations pour un télétravail positif ?
Intégrer des outils, sans perdre de vue l’humain
Mettre en place des outils pour encadrer et permettre des échanges simplifiés est une préconisation simple. Dans l’étude sur le télétravail en 2020, on s’aperçoit qu’une bonne majorité des managers et 7 dirigeants sur 10 affirment veiller à ce que les collaborateurs en télétravail soient sensibilisés aux bonnes pratiques des outils collaboratifs et que ces derniers soient bien déployés. L’importance des outils de communication n’est plus à démontrer, notamment en ce qui concerne l’isolement des télétravailleurs. Mais « il ne faut pas oublier les salariés qui travaillent depuis l’entreprise en relation avec le télétravailleur », ajoute Marc-Éric Bobillier Chaumon. Ces derniers ont également besoin d’échanger avec lui. « Les régulations informelles et la confiance entre les collaborateurs sont essentielles. On peut discuter rapidement, se mettre d’accord et voir également que le collègue est affairé à la tâche confiée », analyse l’expert. L’un des risques identifiés des formes de travail nomade réside en l’éloignement du collaborateur de l’entreprise, son isolement voire même à une certaine déshumanisation.
Faut-il pour autant transporter la culture de l’entreprise jusqu’à son bureau lointain ? En tout cas, maintenir les mêmes privilèges qu’un collaborateur présent dans les locaux est un prérequis indispensable à l’engagement. Sans oublier l’importance de la parole et des réunions quotidiennes, qui permettent au salarié de s’impliquer dans les décisions de l’entreprise.