
Silvine Laguillaumie Landon est directrice Juridique, Instances et Fiscalité du groupe Malakoff Humanis et elle est également Co-Présidente de Financi’Elles, Fédération de réseaux de promotion de la mixité intra-entreprises du secteur financier et assurance.
En cette journée internationale des droits de la femme et alors que le réseau Financi’Elles1 vient de fêter ses 10 ans, la question de la place des femmes dans l’entreprise est plus que jamais d’actualité. Pour que la situation continue de progresser, il est primordial de considérer la parité homme/femme comme un moteur de performance sociale, mais aussi financière, et de l’inscrire dans une stratégie globale.
Tribune de Silvine Laguillaumie-Landon, directrice des affaires juridiques, institutionnelles et fiscales de Malakoff Humanis et co-présidente de Financi’Elles.
Il y a quelques semaines, le cabinet Heidrick & Struggles a dévoilé les résultats de son étude baptisée « Mixité au sommet ». L’objectif : présenter l’avancement de la mixité dans les instances dirigeantes des 120 plus grandes entreprises françaises cotées en Bourse (SBF 120). Si – bonne nouvelle -, le nombre de femmes au sein des comités exécutifs augmente, l’étude montre que d’importantes disparités demeurent. Elle pointe également le chemin qu’il reste à parcourir pour que la parité homme/femme dans les sphères dirigeantes, et plus largement dans l’entreprise, devienne une réalité.
Parité homme/femme, les limites de la loi Copé-Zimmermann
En 2011, la loi Copé-Zimmermann était votée, imposant un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration. Et cela a fonctionné : en 2018, on comptait 43,3 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance des sociétés du SBF 120.
Mais si ce texte était une indéniable avancée, il n’a malheureusement pas eu de porosité, de ruissellement dans toutes les instances de l’entreprise. Cette loi a impulsé une dynamique certes, mais qui ne concernait que les conseils d’administration, soit une structure qui n’est pas le reflet du quotidien opérationnel. Il a donc fallu de nouveau légiférer.
La loi Rixain : l’extension du domaine de la lutte
Avec la loi Rixain, entrée en vigueur en décembre dernier, un quota de représentation parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes des entreprises d’au moins 1 000 salariés est instauré : au moins 30 % de femmes en 2027 et 40 % en 2030. C’est la dernière grande accélération en matière de mixité. Espérons que cette loi diffuse, irradie et que la parité devienne un sujet stratégique de l’entreprise et soit considérée comme un moteur de la performance.
La parité homme/femme, vecteur de performance
Tout d’abord, la parité homme/femme est porteuse de performance humaine. Des études ont montré qu’une plus grande mixité apporte plus de communication, de coopération, des comportements moins hiérarchiques, plus participatifs et une plus grande créativité. Cette performance humaine n’est pas clairement mesurée. On est plus dans le domaine de la perception. Il y a certains marqueurs, plutôt RH, qui montrent toutefois que quand il y a une féminisation, il y a une meilleure représentativité de la sphère sociale, donc une meilleure acceptation des modes de fonctionnement. Les salariés se sentent mieux donc ils travaillent mieux et donc il y a une meilleure performance. C’est ce fil qu’il faut en tirer.
« Ce qui ne se mesure pas, n’existe pas. Dans le monde de l’entreprise où la performance doit être mesurable de manière très concrète, la question de la parité est complexe. Difficile en effet de trouver de vrais indicateurs mettant en lumière la corrélation entre parité et performance. Et pourtant, ce lien est tout à fait tangible. »
La mixité en entreprise induit également de la performance commerciale, économique et financière. Si vous avez des salariés plus représentatifs des consommateurs, vous allez mieux comprendre les exigences, les envies et les attentes des clients. Si votre modèle est construit sur un volet purement masculin, avec des codes masculins, pour une consommation mixte, vous vous coupez d’une partie des clients. Grâce à la mixité, vous obtenez une adhésion plus large à un produit grâce à une stratégie marketing mieux adaptée.
Outre la corrélation positive entre la présence des femmes dans le top management et la rentabilité, il est indéniable que la mixité est aussi un facteur d’attractivité.
Si vous avez un corps social plus féminin, les femmes sont incitées à venir et à rester. C’est un signe fort : chacun a sa place, peut se développer et grandir au sein de l’entreprise. L’image de l’entreprise est ainsi valorisée, ce qui est bénéfique pour le recrutement et la fidélisation des talents.
La parité, un élément clé de la stratégie RSE
Aujourd’hui, une entreprise désireuse de s’inscrire dans une démarche responsable ne peut plus faire l’impasse sur une politique de féminisation. Parmi les objectifs de développement durable établis par les Nations unies, l’objectif numéro 5 dédié à l’égalité homme/femme fait désormais de cette question de la parité un élément clé de la stratégie RSE.
Pour y parvenir, il est nécessaire que des politiques volontaristes soient mises en place au niveau RH. Cela passe par l’égalité salariale, par des actions de mentoring et de tutorat. Il est important de proposer des role models pour montrer que chacun, avec ses capacités, a ses chances de pouvoir accéder au poste qu’il souhaite.
« Désormais, même les entreprises les plus hermétiques ne peuvent être insensibles à ce sujet. Le monde change et elles ne peuvent passer à côté de cette évolution sociétale. »
Une situation hétérogène
Si dans le secteur de la banque et des assurances, il existe une mixité – sur les 15 entreprises du réseau Financi’Elles, il y avait 28 % de femmes dans les Comex fin 2020 – la situation reste très disparate en fonction des secteurs d’activité.
Ce serait formidable que les objectifs fixés par la loi Rixain soient atteints avant les échéances prévues, mais il faut être pragmatique et permettre à toutes les entreprises d’y parvenir. Cela nécessite du temps et un travail de fond sur l’éducation et la formation. Un basculement de culture doit être réalisé et il ne peut se faire en une semaine.
Le poids de l’éducation
Aujourd’hui, la limitation des trajectoires féminines est notamment induite par le poids de l’éducation et de l’orientation scolaire. Il y a des stéréotypes sociétaux qui perdurent et qui représentent des freins à la parité homme/femme en entreprise. Ce n’est pas un jugement de valeur, mais un état des faits. Il faut essayer des casser les codes. À ce titre, faire venir dans les écoles des femmes qui exercent des métiers plutôt masculins peut ouvrir des vocations.
La question de la parentalité est également centrale : quand on est, par exemple, confronté à des difficultés de garde, il est compliqué d’être serein dans son activité professionnelle. Que vous soyez père ou mère. Chez Malakoff Humanis, nous avons rédigé un guide de la parentalité qui recense des bonnes pratiques et des contacts d’associations pour accompagner les collaborateurs. Des conférences d’acculturation, ou, plus informels, des petits déjeuners peuvent également être organisés pour aborder ces thématiques. Mais ces outils ne sont réellement valorisés que s’ils sont portés par une politique volontariste au sein de l’entreprise.
Une nouvelle génération ambitieuse
Actuellement, nous avons une jeune génération très engagée, très portée sur l’égalité, sur l’équité. Elle nous pousse en tant que citoyens à avoir des réflexions très fortes.
Les jeunes se dirigent de plus en plus vers l’entreprenariat ou vers des entreprises responsables. Ils veulent donner du sens à ce qu’ils font et partager avec l’entreprise des valeurs communes. Si on ne peut bien évidemment pas généraliser, il y a une vraie aspiration à l’égalité. Cette jeunesse estime que la diversité et la mixité permettent de faire bouger les lignes.
S’il reste du chemin à parcourir, des mesures ont été prises et des progrès ont été réalisés. La parité doit être considérée comme un élément stratégique de développement et de performance de l’entreprise. Il faut ancrer le sujet. Il faut que cela devienne une ligne de conduite qui guide au quotidien les actions au sein de l’entreprise.
1 Financi’Elles est la première fédération de réseaux de promotion de la mixité intra-entreprises du secteur financier. Elle s’est donnée pour mission de contribuer à améliorer et surtout accélérer l’accès des femmes au sommet des organisations du secteur de la finance, en conjuguant les ressources et les énergies des réseaux de promotion de la mixité existants ou en devenir.