Mixité, égalité des genres, handicap, orientation sexuelle… Longtemps, les actions de diversité et d’inclusion se sont focalisées sur des sujets distincts, parfois les uns après les autres. De plus en plus, la notion d’inclusion se veut générale, réunissant sous un même chapeau tous es sujets, afin que l’entreprise soit cet endroit où chaque personne se sente bien dans toutes ses différences et toute sa singularité. Nouveaux défis, nouvelles opportunités aussi.
De la diversité à l’inclusion
Au début des années 2000 naît en France la Charte de la diversité, première de la sorte en Europe, dont les signataires s’engagent à lutter contre les discriminations. Parallèlement, les débats féministes s’amplifient, et mènent par exemple à la loi Copé-Zimmermann, votée en 2011 pour accélérer la féminisation des conseils d’administration. L’heure est alors au recrutement de personnes « différentes », d’autant plus que de nombreuses études démontrent régulièrement l’impact positif de la diversité sur la performance économique.
La diversité connaît un tournant avec le mouvement #MeToo, né en 2017, et, trois ans plus tard, le mouvement #BlackLivesMatter. Tous deux font le tour du monde et sonnent la même alarme : il ne suffit pas de recruter davantage de femmes ou de personnes noires pour qu’elles se sentent à l’aise ou en sécurité sur le lieu de travail. Il est donc temps de passer de la diversité à l’inclusion.
« Une entreprise diverse n’est pas forcément une entreprise inclusive », Florie Benhamou
Si la première consiste à compter dans ses rangs des personnes différentes, c’est la seconde qui assure à ces personnes un environnement de travail sain. Florie Benhamou, cofondatrice de Gloria qui accompagne et conseille les entreprises sur leurs enjeux diversité et inclusion (genre, orientation sexuelle, origines, etc.), confirme : « Une entreprise diverse n’est pas forcément une entreprise inclusive. La diversité est un fait, puisqu’il s’agit des différences entre les employé.e.s. L’inclusion, quant à elle, est un choix délibéré visant à instaurer une culture qui unit les employé.e.s, peu importe leurs trajectoires ».
La fin des silos
Diversité et inclusion sont alors, depuis, très présentes parmi les engagements RSE des entreprises. Néanmoins, « dans notre contexte culturel, historique, réglementaire et politique français, certaines conversations sont plus faciles que d’autres et les entreprises ont donc eu tendance à traiter les thématiques une par une. C’est cette approche qui est aujourd’hui bousculée », constate Alexia Sena, fondatrice de Joyeux Bazar, une entreprise qui donne aux décideurs des outils pour traiter les questions de diversité ethnoculturelle.
Certes, les problématiques diffèrent, du genre au handicap, de l’orientation sexuelle à l’origine sociale, mais les attentes des collaborateurs et des consommateurs sont les mêmes. Ils ne questionnent plus seulement le respect de telle obligation ou de tel standard, mais le rôle actif de l’entreprise pour contribuer au bien-être de ses collaborateurs et, plus largement, aux avancées nécessaires dans la société.
Pour Florie Benhamou, cette évolution reflète justement le glissement de la diversité vers l’inclusion : « La diversité est plutôt apportée par le recrutement, ce qui est en fait un sujet spécifique au sein de l’entreprise, tandis que l’inclusion se construit via les ressources humaines et le management, ce qui en fait une question plus transversale, qui ne peut être traitée en silos ».
L’extension de la notion d’inclusion reflète aussi des changements sociétaux plus profonds. Tout d’abord, pour nombre de travailleurs, le rapport au travail s’est profondément transformé ces dernières années, et encore plus depuis l’apparition de la pandémie et la généralisation du télétravail : travailler, et a fortiori se rendre au bureau, n’a de sens que si on s’y sent à sa place. Ensuite, l’époque actuelle est celle de la remise en cause des archétypes, des revendications identitaires, de la mise en avant de sa différence notamment par le biais des réseaux sociaux, d’une exigence de reconnaissance et de valorisation de cette différence par la société.
Dès lors, qu’il s’agisse de concevoir des bâtiments accessibles en fauteuil roulant, d’être bienveillant lorsqu’on échange avec une personne LGBT, de recruter dans des territoires plus défavorisés et des filières moins prestigieuses, ou encore de veiller à ne pas cantonner les femmes à certaines fonctions, l’enjeu est le même : faire de l’entreprise ce lieu où on donne le meilleur de soi parce qu’on est accepté et valorisé dans toute sa singularité.
Agir sur tous les fronts, un vrai défi
Les mouvements antiracistes et féministes ont popularisé ces dernières années le concept d’intersectionnalité, c’est-à-dire le fait que le même individu peut se retrouver à la croisée de plusieurs inégalités. D’où un besoin de bienveillance et de protection pour toutes les minorités. Cela exige des entreprises de répondre à des besoins spécifiques tout en ayant une approche globale.
Pour Alexia Sena, l’exercice est délicat, mais pas insurmontable si l’on commence par sensibiliser et embarquer les salariés : « à la fin de nos interventions, les collaborateurs viennent nous dire qu’ils ont été ravis de pouvoir exprimer leur ressenti et leurs besoins sur ces sujets. Certains vont envisager de nouveaux viviers de candidats, d’autres ont pris conscience de leurs stéréotypes, etc. »
« Quel que soit le type de diversité, ces déclics sont extrêmement puissants pour faire bouger les lignes » Alexia Sena
En outre, l’approche globale n’empêche pas de désigner des référents ou des ambassadeurs attachés à une problématique précise, en fonction de leur sensibilité, leurs compétences et les besoins exprimés par les collaborateurs.
Chez Gloria aussi, on privilégie « une approche transverse qui consiste à sensibiliser les salarié.e.s, former les managers et la direction sur les notions de diversité et inclusion au sens large. Les bonnes pratiques partagées s’appliquent à toutes les formes de diversités ».
Dans un contexte marqué par les questions identitaires en entreprise, cette transversalité a un autre avantage : elle fait de la culture inclusive l’affaire de tous, et pas seulement de certains groupes qui pourraient être tentés de l’instrumentaliser.