L’étude de la Fondation Malakoff Humanis sur l’insertion du Handicap dans le monde du travail met en lumière une situation contrastée entre une envie de recruter et un manque d’accompagnement pour y parvenir. La crise sanitaire a également mis un coup de frein à la politique d’inclusion. Pour Pascal Andrieux, directeur des engagements sociaux et sociétaux chez Malakoff Humanis, ce constat invite à accompagner de manière plus active les entreprises dans leur chemin vers l’inclusion de tous les handicaps, qu’ils soient visibles ou invisibles.
Que retenez-vous de cette étude menée par la Fondation Malakoff Humanis avec Opinion Way ?
Tout d’abord, alors qu’il y a eu beaucoup de mesures mises en place pour inciter à l’embauche des personnes en situation de handicap, on constate une faible évolution des chiffres depuis notre dernière étude menée en 2017. On aurait pu s’attendre à d’autres résultats : seulement 32% des entreprises estiment que c’est grâce à la loi qu’elles ont intégré davantage de personnes handicapées. Cela confirme que la politique d’inclusion des entreprises n’est pas assez volontariste.
Je remarque aussi que le type des fonctions occupées par les salariés handicapés n’a pas évolué depuis 2017. Les collaborateurs handicapés sont surtout représentés dans les secteurs de la production, l’administration ou la manutention. Cela n’évolue pas beaucoup : alors que les qualifications des personnes handicapées ont progressé, le nombre de salariés handicapées, cadres ou dirigeants ne s’élève pourtant qu’à 1%.
On est souvent dans une logique de maintien dans l’emploi que dans une logique d’évolution dans l’entreprise. La notion d’évolution dans l’entreprise n’est pas suffisamment envisagée.
Enfin, les personnes en situation de handicap physique ou moteur restent mieux intégrées : 84% des entreprises emploient ou ont employé un salarié avec un handicap moteur ! Le handicap mental ou psychique est encore peu représenté dans les entreprises car invisible, moins compris et plus difficile à appréhender. Il peut encore générer des freins.
En définitive, même s’il y a eu des avancées ces dernières années, beaucoup d’efforts sont encore à faire pour que les personnes handicapées trouvent leur place dans notre société.
Sans oublier l’accès au soin, aux droits, ou l’accès à la culture, qui sont aussi des enjeux majeurs.
Peut-on dire que les handicapés sont les grands perdants de cette crise sanitaire ?
Que les difficultés soient sanitaires, économiques ou personnelles, les personnes vulnérables sont toujours les premiers touchés par la crise. Le covid-19 a eu pour effet de freiner la politique d’inclusion. 17% des entreprises ont recruté de nouveaux salariés handicapés pendant les douze derniers mois contre 23% en 2017 : la vulnérabilité, c’est la double peine.
On voit que l’obligation d’emploi joue assez peu finalement sur la décision d’embauche, et qu’au delà de leur attitude positive vis à vis du sujet, un grand nombre de managers ne passe pas le pas. Comment faire pour changer cet état d’esprit ?
Il faut continuer à sensibiliser, informer et accompagner les entreprises dans la mise en place de leur politique d’embauche des personnes en situation de handicap.
Beaucoup d’entreprises ne savent pas comment s’y prendre. Elles redoutent la complexité de l’embauche d’un handicap, alors qu’il existe de très nombreux processus simples.
En outre, les entreprises ne savent pas forcément où trouver les profils des candidats. On le voit bien dans l’étude, 80% des entreprises souhaiteraient avoir accès à des profils correspondant aux besoins. Elles demandent aussi l’appui d’organismes spécialisés (43%). Elles sont 37% à espérer des démarches administratives plus simples. Certains freins, comme les métiers exercés dans l’entreprise (68%), les coûts liés à l’aménagement des locaux (35%) ou le manque de connaissance, sont mis en lumière.
C’est pourquoi elles sont nombreuses à souhaiter davantage de communication et d’information et un accompagnement par des structures accueillantes.
Que pourriez-vous dire à un manager qui hésite à embaucher un travailleur handicapé ?
Il faut avant toute chose s’attacher aux compétences de la future recrue, et non pas à sa situation de handicap. Certaines adaptations de poste peuvent être nécessaires, mais à y regarder de plus près elles sont très souvent possibles.
Le recrutement d’une personne en situation de handicap a aussi une vertu sociale pour l’entreprise et l’ensemble des collaborateurs. Une entreprise socialement performante l’est souvent aussi sur le plan économique.
Sans oublier que l’intégration de collaborateurs en situation de handicap est une source de fierté pour tous.
Que fait Malakoff Humanis pour mieux intégrer les personnes en situation de handicap dans les entreprises ? Avez-vous des exemples à nous donner ?
Nous agissons pour que l’organisation soit plus inclusive, c’est-à-dire qu’elle prenne en compte l’ensemble des fragilités des salariés et qu’elle propose des solutions pour les accompagner comme des dispostifs pour les salariés en situation de handicap, les salariés aidants, les salariés touchés par la maladie, le cancer, les salariés en situation de vulnérabilité financière, la monoparentalité …
Nous sommes convaincus que nous pouvons conjuguer performance sociale et économique et que les entreprises ont un rôle à jouer pour rendre la société plus juste et plus inclusive.
Nous proposons aux entreprises que nous accompagnons de commencer par établir un diagnostic fragilité. Toutes les entreprises n’ont pas les mêmes problématiques. Nous mettons ensuite en place un plan d’action personnalisé et adapté à la taille et aux enjeux de l’entreprise.
C’est par la sensibilisation, la formation et l’information que nous accompagnons et orientons les actions qui suivront. Grâce à nos 50 collaborateurs sur le terrain, nous proposons des ateliers, des webinars et des e-learnings et des formations destinées tant aux responsables RH qu’aux managers et aux salariés.
Les sujets sont nombreux : familiariser les salariés et les managers aux enjeux de l’inclusion, informer sur les obligations légales ou la demande de reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH), travailler sur la montée en compétence des salariés en situation de handicap ou bien encore sensibiliser, prévenir ou accompagner les problématiques de santé mentale.
Parfois le handicap, visible ou non, touche des salariés déjà en poste dans l’entreprise. Les besoins sont alors différents pour les managers. Avez-vous des exemples à nous donner d’entreprises qui se sont fait accompagner par Malakoff Humanis dans ce contexte?
J’ai en tête l’exemple d’une PME dans le secteur du transport sanitaire que nous accompagnons activement. Alors que les salariés n’ont jamais cessé le travail en première ligne pendant la crise certains ont développé des fragilités mentales, ou ont vu leur fragilité pré-existante s’amplifier au point de devenir handicapante.
Pour répondre à cette situation critique, nous avons déployé auprès des 7 managers de l’entreprise un programme de co-développement animé par ClubHouse, spécialiste de la santé mentale. L’objectif était de mieux accompagner au quotidien les salariés touchés par des risques psycho-sociaux (RPS) ou un handicap psychique.
Grâce à l’information que nous avons faite autour de la RQTH, les salariés ont pu également découvrir ces dispositifs de reconnaissance du handicap. Certains ont pu ouvrir leur droit et faciliter leur vie dans l’entreprise, tout en permettant à celle-ci de remplir ses obligations.
Nous avons bien conscience que la question de l’accueil de personnes porteuses de handicaps en entreprise est complexe et peut être source de stress pour les managers, dans un contexte de crise sanitaire et économique.
Notre ambition est de leur faire connaître le rôle de facilitateur que nous pouvons jouer pour que la situation évolue dans le bon sens, au service de la performance économique et sociale de l’entreprise.