salariés aidants et vulnérabilités
Publié le 26.10.2020

Etre aidant : l’accepter, l’anticiper et en parler

Caroline Mac Naughton a été aidante pendant huit ans, comme 11 millions de français qui accompagnent un proche au quotidien. Elle raconte ce rôle d’aidant partagé par un nombre croissant de salariés trop souvent « invisibles ».

Qu’est-ce qu’un « aidant » selon vous ?

C’est le mot désigné pour qualifier un proche qui accompagne un membre de sa famille qui n’est plus en capacité d’accomplir les actes de la vie quotidienne. On peut être aidant à vie ou pendant quelques mois. Il n’y a pas de règle, juste le fait qu’un proche a besoin de vous et que vous ne pouvez pas vous soustraire à cet accompagnement.

Dans quelles circonstances avez-vous endossé ce rôle ?

Je suis devenue aidante très subitement – c’est souvent le cas – lorsqu’on a diagnostiqué une maladie incurable et neurodégénérative à ma mère. Nous nous sommes retrouvés en première ligne avec mon frère, car nous avions déjà perdu notre père. C’est arrivé à un moment où nous étions très impliqués dans notre travail. J’avais également des enfants en bas âge. J’ai tout cumulé.

Quel était votre travail à cette époque ?

J’étais responsable fiscale pour un grand groupe, à La Défense, salariée, avec des horaires et une progression de carrière intéressante. Je n’ai pas mis tout de suite mon travail entre parenthèse – la première chose qui disparaît, c’est la vie sociale – mais on finit par se rendre à l’évidence. C’est une charge mentale colossale.

Comment avez-vous concilié le rôle d’aidant avec votre travail ?

J’étais très fatiguée et cela a évidemment impacté ma productivité. J’ai dû expliquer qu’à côté de mon job, j’en avais un autre, à temps complet, qui n’était pas visible, pas rémunéré, pas reconnu. Parce que ce type de parcours était inconnu dans le monde de l’entreprise, qu’il faisait partie de la sphère privée, je n’ai pas eu de proposition concrète de la part de mon employeur. On m’a simplement demandé ce que je voulais faire. J’étais un peu perdue.

Et qu’avez-vous fait ?

J’ai demandé un temps partiel, avec une demi-journée par semaine pour m’occuper de ma mère. Tous mes week-ends lui étaient consacrés. Mes collègues et l’entreprise ne le voyaient pas, mais avec la charge mentale et la fatigue chronique, j’étais clairement freinée dans mon évolution professionnelle.

Vous avez également créé un blog, « Journal d’une aidante ». De quoi s’agit-il ?

Je l’ai lancé début 2019, il y a un an et demi. Je parle de mon expérience et de celles d’aidants que j’interviewe, de façon positive et optimiste.

Je veux participer à libérer la parole sur ce sujet, toujours perçu comme pénible. C’est un sujet dont on ne doit plus avoir peur et qui ne doit plus impliquer de remettre en question sa vie sociale et professionnelle. Pour cela, il faut l’accepter, l’anticiper et en parler.

Votre situation a-t-elle évolué depuis ?

Après le décès de ma mère, j’ai pris un temps de réflexion et constaté que ce rôle d’aidant était très répandu. On estime que 11 millions de personnes en France sont des aidants, dont près de 4,5 millions d’actifs. Pour autant, ce n’est pas quelque chose dont on parle encore suffisamment. J’ai donc décidé de quitter mon travail et de créer le métier d’« aidant-expert », partant du principe que ce savoir expérientiel pouvait être valorisé et transmis à d’autres. J’ai aussi fondé MyTeamily, qui rassemble aujourd’hui une équipe d’aidants-experts pour former les salariés aidants dans les entreprises à la gestion de leur stress au travail.

Bonne pratique

The Caring Company Project a été lancé au printemps dernier en France. À la manœuvre, trois femmes : Hélène Xuan, économiste et codirigeante de la chaire « Pour une approche globale et locale de la longévité », Miora Ranaivoarinosy, fondatrice d’Eunoia, un cabinet de conseil aux entreprises sur le vieillissement, et Caroline Mac Naughton. À la fois entrepreneurial et de recherche, le projet défend l’idée d’une entreprise plus inclusive, tenant compte des temps de vie de ses collaborateurs.

Envisageant le care comme un nouveau levier de performance, les fondatrices veulent démontrer que la situation d’aidant, comme d’autres temps de vie, est d’autant mieux gérée dans l’alliance entre le management, les RH et le salarié. The Caring Company Project propose ainsi des parcours et ateliers de formation auprès d’entreprises et de leurs DRH, managers, clients, salariés.

L’objectif : délivrer des outils managériaux pour le maintien et l’accompagnement de salariés aidants, faciliter le dialogue social en entreprise, ou encore développer de nouveaux accords RH intégrants l’« aidance », à l’image des acquis sur la parentalité.

Article rédigé par Alexandre Anquart en partenariat avec le média We Demain.

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