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Publié le 19.10.2021

Cancer et travail : un meilleur accompagnement suite à la crise ?

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Entrepreneure et cancer survivor, Anne-Sophie Tuszynski a fondé Cancer@Work en 2012, un réseau unique en France d’entreprises engagées pour concilier cancer, maladies chroniques et travail, unique.

15% de la population active est aujourd’hui concernée par la maladie. En 2025, ce chiffre atteindra 25%[1]. Si la crise sanitaire a fait de la santé au travail un sujet central dont doivent s’emparer urgemment dirigeants d’entreprises et professionnels des RH, concilier cancer et travail est-il pour autant plus simple en 2021 ?

Anne-Sophie Tuszynski, fondatrice de l’association Cancer@Work, cheffe d’entreprise et ancienne malade, réagit aux résultats du 4ème baromètre Cancer et Travail, et nous éclaire sur la prise en charge de la maladie dans l’univers professionnel. Entretien placé sous le signe de l’optimisme et de l’engagement.

Une personne sur deux ose aujourd’hui parler de son cancer au travail contre deux sur dix en 2013. En 2021, la maladie est-elle moins taboue dans l’entreprise ?

Elle est devenue moins tabou dans la société en général. Il suffit de lire ou d’écouter les médias pour s’en apercevoir. Alors qu’en 2013, ils parlaient de « longue et douloureuse maladie », aujourd’hui, ils osent écrire ou prononcer le mot « cancer ».

Même si le progrès est palpable, une personne sur deux, c’est encore trop : cela signifie qu’un salarié sur deux, parce qu’il n’évoque pas sa maladie dans l’entreprise, a peu de chance d’être accompagné dans de bonnes conditions pour concilier cancer et travail.

43% des malades s’estiment soutenus par leur service RH. L’axe de progrès réside-t-il dans une meilleure formation des professionnels des ressources humaines ?

J’ajouterais à ce chiffre, deux données importantes : 67% des malades se sentent d’abord soutenus par leurs collègues, 56% par leur hiérarchie. Les RH, viennent, finalement, en appui des équipes opérationnelles qui sont, le plus souvent, les premières à recevoir l’annonce de la maladie et à accompagner les collaborateurs concernés. Personnes de proximité, hiérarchie, RH : tout le monde a un rôle à jouer dans l’entreprise.

« Les écoles qui forment les professionnels des ressources humaines et les futurs managers accordent effectivement trop peu de place au sujet de la diversité ou de l’inclusion autour de la maladie. »

C’est dommage. Elles devraient les préparer à accueillir ces situations, leur apprendre à engager le dialogue et à mettre en place un accompagnement individualisé.

La crise sanitaire a fait de la santé au travail un sujet central. A-t-elle également facilité l’accompagnement des salariés qui travaillent avec un cancer ?

La crise sanitaire a été un véritable révélateur du sujet de la santé et de la maladie au travail. Il n’a jamais été autant question de QVT, de bien-être des salariés, d’accompagnement des situations de fragilité qu’aujourd’hui.

« Pour bien s’occuper de ses clients, il faut d’abord prendre soin de ses collaborateurs. La Covid nous en a fait prendre conscience. »

J’espère que les dirigeants d’entreprise ne l’oublieront pas, dès cet épisode de crise passé.

Est-il plus facile de mettre en place des actions à destination des salariés malades dans des entreprises à taille humaine comme les TPE/PME ?

Oui et non. La proximité favorise le dialogue, c’est vrai. Dans une TPE ou une PME, le temps et les moyens manquent parfois. Il est donc souvent difficile de s’emparer de ces sujets complexes pour proposer un accompagnement concret et personnalisé.


C’est l’une des raisons pour lesquelles Cancer@Work existe et s’adresse à toutes les structures quels que soient leur taille, leur situation géographique et leur secteur d’activité. L’association est une place de partage au sein de laquelle les entreprises échangent et se préparent à l’accueil d’une situation de maladie à laquelle elles n’échapperont probablement pas.

88% des collaborateurs reprennent le travail après un cancer. 1 personne sur 5 a pourtant le sentiment de ne pas avoir retrouvé sa place dans l’entreprise. Comment faire changer les choses ?

Le monde du travail a besoin de porter un autre regard sur la maladie. Sur un CV, cette période d’absence est vue comme un espace vide alors que c’est une expérience de vie provoquant le développement de compétences précieuses en entreprise. Je pense à la résilience, bien sûr, mais aussi à l’écoute, à l’humanité, à l’empathie ou à certaines qualités organisationnelles.

Les fameuses soft skills n’ont jamais été aussi présentes dans l’esprit des professionnels des RH. Il est donc crucial de tenir compte de ces acquis tant du côté des employeurs que des salariés. Le constat est le même pour les équipes qui, du jour au lendemain, ont dû faire face à l’absence de l’un de leurs talents. Pour  continuer à fonctionner, elles ont déployé des trésors d’agilité et de réactivité. Ces qualités sont primordiales au fonctionnement efficace et pérenne de l’entreprise.

Le remplacement temporaire n’est pas mis en place dans 48% des entreprises. Comment aider les DRH à le déployer plus largement ?

C’est un sujet extrêmement compliqué. La durée d’un arrêt de travail pour un cancer est séquencée. Il est donc très difficile d’évaluer précisément combien de temps le salarié sera absent.

Pour avoir de la visibilité, l’une des clés est de favoriser le dialogue entre le collaborateur concerné, le management et les RH, dès l’annonce de la maladie et non au retour du salarié. Cela permet de poser les bonnes questions, de recentrer le débat autour des objectifs des uns et des autres et surtout de s’organiser pour faire face à la situation dans les meilleures conditions. 


 [1] Source : Conseil économique, social et environnemental