La crise du Covid-19 a mis en lumière la montée des risques infectieux et psychosociaux. Selon le baromètre mensuel absentéisme et Covid de Malakoff Humanis effectué de mars à juillet, les troubles psychologiques ont été, pendant le mois de mai, la 2e cause d’arrêts maladie après le virus. Depuis le début de la crise sanitaire, des solutions ont été mises en place pour accompagner les salariés les plus fragilisés et prévenir la recrudescence des RPS. Zoom sur deux entreprises : Kiabi et Giphar.
Les risques psychosociaux en forte hausse
9 000 ! C’est le nombre d’appels reçus par les cabinets d’experts en santé psychologique au travail, Stimulus et Psya, entre le 16 mars et le 23 avril en France, Espagne et Italie. La compilation de ces appels leur ont permis d’établir une première analyse : la mort s’est invitée au travail. La peur de la contamination est majeure, les questions face à l’incertitude grandissent. Karen Pariente, psychologue et responsable des activités Care au sein du cabinet Stimulus, témoigne : « Nous avons mis en place de nombreux numéros verts. Au bout de la ligne psychologues et bienveilleurs répondent aux salariés angoissés. Résultat : une augmentation des demandes d’installation de ces numéros en entreprise et une hausse considérable des appels ».
Selon une publication du cabinet, « en Italie, pays européen qui a payé le plus lourd tribut à cette pandémie, les répercussions psychologiques de la Covid-19 sont à l’origine de plus de 53% des appels. En France et en Espagne, la proportion est à peine moins importante, avec 46% des appels depuis le début de la crise ».
Certaines entreprises vont même jusqu’à combiner toutes les aides à disposition. C’est le cas du groupement de pharmaciens Giphar.
Pour faire face à la réorganisation soudaine et garder le contact avec les salariés – une partie dans les entrepôts, l’autre en télétravail, le DRH du groupement, Bruno Frankiel, a multiplié les initiatives : ligne téléphonique d’écoute, webinaire pour former les managers, enquêtes pour recueillir le ressenti des salariés… « On m’a dit qu’on ne me reprocherait jamais d’en avoir trop fait », sourit le DRH, qui estime que cette crise donne un nouveau sens à sa mission de professionnel des ressources humaines, explique-t-il dans un article du Figaro consacré au sujet.
Les cellules psychologiques et la gestion de crise
Une chose est sûre pour la psychologue : « il existe une angoisse de la durée qui est inconnue de tous. On se focalise sur les sinistres de la catastrophe, le tout accompagné de traumatismes liés à la morbidité ». Une situation qu’a d’ailleurs rencontré un Ehpad accompagné par le cabinet où une cellule de crise a été mise en place. « Nous avons effectivement eu une augmentation des interventions en Ephad. Nous en avons accompagné un qui a subi de lourds traumatismes dus à la perte de résidents ».
Pour d’autres, le traumatisme est accompagné de la peur de perdre son emploi : Ainsi, Anne-Catherine Bourgain, DRH de l’enseigne d’habillement Kiabi explique toujours dans le même article du Figaro, quelle mesure, le groupe qui emploie 6 500 personnes en France, a mis en place pour faire face à la fermeture de ces magasins « C’est une période inédite de très fort changement. Avec la fermeture des magasins, toute une partie de notre activité s’est arrêtée. Nous voulions soutenir nos salariés et avons activé la plateforme dès le 20 mars », confirme Anne-Catherine Bourgain,
Dans ces cas particuliers et selon le nombre de personnes à prendre en charge, un ou plusieurs psychologues experts se rendent sur place.
« Nous mettons en place un temps collectif faisant office de groupe de parole, puis en fonction de l’évaluation que nous y faisons, nous proposons des temps individuels de soutien. Nous préparons évidemment en amont cette intervention et expliquons notre démarche psychoéducative. Une méthode qui permet de comprendre sa propre situation afin d’adopter au quotidien de bons comportements ».
Des risques accrus d’absentéisme
Selon Karen Pariente, un ciblage proactif des salariés permettrait d’anticiper les situations graves, pouvant se traduire par une hausse des arrêts maladies. Pour la psychologue, « un certain nombre de personnes n’auront pas les ressources suffisantes pour retourner au travail ». Et donc d’engendrer une hausse de l’absentéisme.
Alors que faire, à l’heure où 35% des salariés ne sont pas revenus sur site ? « Je conseille aux entreprises de mettre en place une démarche d’exposition progressive. C’est-à-dire : envoyer des images et des vidéos des locaux aménagés et aux normes, puis au fur et à mesure, réintégrer les bureaux en petit comité sur la longueur ». Montrer par l’image le combat contre l’invisible, le futur des chefs d’entreprise ?