Depuis 2 ans, les Français expérimentent le télétravail, avec ses avantages et ses difficultés. Loin d’être un long fleuve tranquille, ce nouveau mode de travail nécessite la mise en place de bonnes pratiques managériales pour permettre aux salariés de le vivre de manière sereine et efficace. Pour Anne-Sophie Godon, directrice des services de Malakoff Humanis, c’est toute une organisation à revoir.
En ce début d’année, le gouvernement a demandé aux entreprises de renforcer le recours effectif au télétravail. Si les salariés français ont eu le temps, en deux ans de crise sanitaire, de se familiariser avec ce nouveau mode de travail, l’expérience a mis en lumière la nécessité de mettre en place une organisation efficiente mais aussi d’instaurer une communication continue entre les directions et les collaborateurs pour que le télétravail puisse s’effectuer dans de bonnes conditions.
Définir clairement la place du télétravail
Pour Anne-Sophie Godon, directrice des services chez Malakoff Humanis, le télétravail nécessite en premier lieu de repenser le travail. « Le télétravail n’est pas juste le fait de réaliser à distance le même travail que l’on faisait sur site. Il y a une vraie réflexion à mener de la part des entreprises sur le travail de demain, son organisation et sur la place du télétravail dans cette organisation. »
« Penser le télétravail de manière organique est, à mon sens, un enjeu majeur ».
Faire évoluer les pratiques managériales
À cette réflexion primordiale doit s’ajouter un questionnement sur les modes de management. « On ne manage pas de la même manière à distance et en présentiel, estime Anne-Sophie Godon. Et je pense que tous les managers ne sont pas capables d’organiser le télétravail et d’avoir, par exemple, la clairvoyance de dire à ses collaborateurs qu’on préfère qu’ils télétravaillent tel jour plutôt qu’un autre, afin de retrouver ponctuellement les bienfaits du collectif ». Il est donc nécessaire, pour une mise en place optimale du télétravail, de faire évoluer les pratiques managériales pour permettre aux managers de piloter efficacement ce travail à distance, mais aussi pour qu’ils apprennent à manager une équipe en confiance.
« Si vous ne faites rien pour ces managers, le télétravail risque de se résumer à plus de contrôles, car ils vont avoir le sentiment que les choses leur échappent un peu ».
Par ailleurs, la maîtrise des outils digitaux, la capacité à animer le collectif à distance mais aussi à communiquer autrement et à repérer les situations de fragilité sont autant de compétences précieuses quand il s’agit d’orchestrer le télétravail.
Optimiser les conditions de travail
Installés sur la table de la cuisine ou dans leurs canapés, les collaborateurs ne bénéficient pas toujours de conditions appropriées pour travailler convenablement à leur domicile. C’est un point de vigilance à ne pas négliger. Afin d’instaurer des conditions de travail efficientes, « un nombre grandissant d’entreprises proposent à leurs salariés des forfaits pour acheter, par exemple, un fauteuil de bureau ou aménager un espace de travail ergonomique [GF1] », se félicite Anne-Sophie Godon, pour qui la qualité du travail et la motivation du collaborateur sont intimement liés au cadre de travail.
En parallèle, il est primordial de veiller à l’hygiène de vie des salariés qui télétravaillent. « On ne pensait pas que les collaborateurs allaient avoir une hygiène de vie dégradée avec le télétravail. Mais c’est pourtant le cas, note Anne-Sophie Godon. Il y a le phénomène de grignotage auquel il faut ajouter les problèmes de sédentarité. On pensait que le temps gagné à ne pas se rendre sur site allait permettre de faire du sport mais, finalement, les bonnes résolutions s’envolent assez vite. »
« Résultat, on constate de plus en plus de pathologies liées à la sédentarité et à des postes de travail mal adaptés. »
Pour la directrice des services de Malakoff Humanis, « l’entreprise a un rôle à jouer et doit sensibiliser les collaborateurs sur cette question de l’hygiène de vie ».
Plus d’écoute et de communication
Pour certains salariés, le travail en distanciel est synonyme d’isolement, de perte de motivation et de repères. Quelle est ma place dans l’entreprise ? En quoi est-ce que je contribue à sa bonne marche ? Mon travail est-il considéré positivement par mes supérieurs ? Autant de questions qui peuvent assaillir les collaborateurs qui subissent le télétravail. Si ces interrogations peuvent être légitimes, elles sont bien souvent le révélateur d’un décrochage ou de souffrances.
Pour anticiper ces situations de fragilité, « certaines entreprises ont mis en place un suivi du télétravail, et appellent régulièrement les collaborateurs pour faire le point sur leur situation, explique Anne-Sophie Godon. Je trouve intéressantes toutes les démarches qui visent à interroger de manière très régulière les salariés en télétravail afin de prendre des nouvelles. »
« Quand on a le sentiment qu’un salarié décroche, il ne faut pas hésiter à prendre son téléphone ».
Cette prise de contact peut également prendre la forme d’un « baromètre trimestriel ou mensuel très court, avec 3 ou 4 questions ». L’idée directrice est d’accroître les points de contact avec les salariés. Que ce soit de manière individuelle ou collective. « Auparavant, l’absentéisme était un bon faisceau pour déceler les fragilités, précise Anne-Sophie Godon. Aujourd’hui, en télétravail, on ne les voit pas. ». Les salariés se retrouvent parfois seuls face à leurs difficultés, or les DRH ont aussi ce devoir de vigie.
Proposer un accompagnement
Qu’il s’agisse de dépression, de burn-out ou même d’anxiété, face à un collaborateur en difficulté, le premier réflexe est de proposer un accompagnement à court terme pour traiter l’urgence. Il peut s’agir de l’orienter vers une ligne d’écoute psychologique ou de programmer un entretien avec une personne des RH. Offrir un espace d’écoute et de dialogue permet de faire un bilan de la situation et de mettre en place d’éventuels aménagements pour mieux vivre le télétravail.
« On n’est pas tous faits pour télétravailler de manière intensive, et il n’y a pas de honte à ça. »
« Aujourd’hui, de nombreux collaborateurs ne parviennent plus à séparer vie professionnelle et vie personnelle. Dès lors, ce phénomène est un terreau favorable aux risques psycho-sociaux », déplore Anne-Sophie Godon. Et de conclure : « À un moment, cela pouvait paraître un peu anachronique de vouloir moins de télétravail mais on voit bien qu’aujourd’hui il y a un écart entre le nombre de jour de télétravail souhaité par les collaborateurs (environ 2,5 jours) et le nombre de jours de télétravail effectif (environ 3,5 jours). »