report de soins covid 19
Publié le 19.06.2020

Report de soin pendant le confinement : vers un absentéisme à rebours ?

Selon le baromètre mensuel réalisé par Malakoff Humanis et l’Ifop, au mois d’avril, en plein confinement, 34% des salariés ont reporté ou annulé au moins un soin durant le confinement et 12% ont posé au moins un arrêt dont 3% en lien avec le virus du Covid-19. Pourquoi aussi peu d’arrêts ont été posés ? Pourquoi les salariés ont reporté les soins ? Qu’adviendra-t-il de la santé des salariés ? Pour y répondre, le Professeur Yves Roquelaure chef de service au centre de consultations de Pathologie Professionnelle et Santé au Travail du C.H.U d’Angers, analyse la situation.

En avril, lorsque la crise sanitaire battait son plein, les hôpitaux ont continué à gérer l’afflux de patients atteints par le virus. En parallèle, 34% des salariés français confinés ont reporté leurs soins. Avez-vous constaté ce report ?

Comme dans tous les hôpitaux, nous avons observé une diminution très importante des admissions pour maladies chroniques ce qui a entraîné une chute des hospitalisations pour AVC ou encore des insuffisances cardiaques et cérébrales. Nous nous attendions à un recul des soins concernant les maladies chroniques, mais pas du tout autour des AVC, embolies pulmonaires ou infarctus. C’était très étonnant. Pour les autres maladies comme la leucémie ou le cancer, les soins ont été maintenus afin de ne pas perdre de chance de rémission. Pour les autres, il est probable que les personnes non soignées reviennent dans un état de santé plus grave ou soient même décédées à domicile. Il y a eu un retard de suivi pour les patients atteints de maladies chroniques qui ont besoin de soins réguliers.

Certes, il y a eu report, mais l’offre de soin n’a pas non plus été adaptée. Difficile de faire des injections en télémédecine. Et les effets seront mesurables dans les semaines à venir.

Quels sont les risques du report de soin ?

Nos collègues aux urgences dépeignent un tableau inquiétant. Les malades qui reviennent sont dans une situation beaucoup plus grave qu’à l’accoutumée. Souvent, les patients ont plus peur du Covid-19 que d’un infarctus ou d’un AVC. Ce sont des maladies qui doivent être prises en charge directement. Les traitements thrombotiques n’attendent pas. D’ailleurs, cette peur des soins est encore actuelle. Il faut que les gens viennent se soigner.

Les séquelles risques d’être bien plus lourdes, et à moyen terme elles impacteront aussi les entreprises.

Pendant la crise de nombreux salariés ont travaillé à distance. Pensez-vous que le télétravail a joué un rôle dans ce report ?

Je pense que le climat de peur a joué un rôle plus majeur. Il ne faut pas oublier que les hôpitaux étaient saturés sur la partie Covid-19, mais les urgences classiques quant à elle étaient désertes. Concernant les catégories sociales, les consommations médicales sont différentes. Les professions intermédiaires et ouvrières se limitent à l’essentiel.

Les soins de confort des cadres ont pu être décalés, notamment grâce au télétravail, où les maladies douloureuses ou invalidantes sont moins difficiles à vivre chez soi que dans les transports.

Ce report de soins présage-t-il d’une augmentation prochaine des arrêts maladies ?

Il est difficile de se prononcer, mais c’est un risque. Il y a certaines pathologies qui n’auront pas été prises en charge ou suivies durant le confinement qui vont devenir chroniques alors qu’elles n’auraient pu être qu’aiguës. Pour le diabète par exemple, nous pouvons faire face à des formes plus nécrosantes et infectées si aucun suivi n’a été fait. Et cette maladie chronique est de surcroît difficile à prendre en charge, très peu rémunérée par le système de santé mais restent très importantes.

En faisant cet état des lieux, ces activités ont forcément été décalées et ces pathologies auront une grande répercussion sur le long terme pour la santé des salariés et donc l’organisation des entreprises.

Comment l’entreprise peut-elle accompagner les salariés et leur santé ?

L’entreprise doit pousser les salariés à consulter leurs médecins traitants et la médecine du travail. Elle joue également un rôle dans la prise en charge des personnes qui n’ont pas de médecin traitant ou qui vivent dans les zones peu médicalisées, et peut aujourd’hui prescrire des arrêts de travail. Il faut également réfléchir, en période de crise à protéger les salariés en difficultés. Cela doit s’inclure dans la responsabilité sociale des entreprises, pour les entreprises à mission, comme le souligne le rapport de Jean-Dominique Sénard et Nicole Notat : « Entreprise et intérêt général ».

Quid du retour à l’emploi après ces arrêts ?

Il faut mettre en place des postes aménagés pour le retour à l’emploi et même pour les malades qui travaillent encore et sont en difficulté. Ces postes sont fragilisés par la crise. Il ne faut pas que pour les salariés porteurs de maladies chroniques, que ce soit maintenant ou après ces reports de soins, soient une double peine. C’est un enjeu de société.

Pourra-t-on un jour considérer le Covid-19 comme un affectation longue durée (ALD) ?

C’est impossible à dire. Le problème est l’inconnu des effets à long terme de certaines formes sévères de Covid-19. Nous ne savons pas encore ce que deviennent ces patients. Nous faisons actuellement une étude nationale à plusieurs volets pour anticiper tout cela. Il est encore un peu tôt pour mesurer l’impact de la maladie. Nous avons des retours de patients qui déclarent être atteint d’une grande fatigue. Il va falloir surveiller. Et du côté des entreprises, cela pourrait avoir un impact sur la productivité et l’absentéisme. Il faudra être bienveillant et flexible avec ces salariés.

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