Dans l’espoir de surmonter la crise sanitaire et de casser la chaine de propagation du virus Covid-19, les Français sont appelés à rester chez eux depuis mardi 17 mars midi. Restriction des déplacements au strict nécessaire, interdiction des regroupements et télétravail obligatoire lorsque cela est possible.
Pour les salariés télétravailleurs avec des enfants à charge, trouver le bon équilibre entre les attentes familiales et la nécessité d’assurer le suivi de l’activité professionnelle est plus que jamais un défi à relever.
Xavier Camby, auteur de 48 clés pour un management durable et directeur de la société Essentiel Management, nous donne son analyse et ses conseils.
Le télétravail rendu obligatoire aux salariés en capacité de le faire, est LA réponse des entreprises à la crise du Coronavirus. Quels sont les impacts sur le moral ?
Le télétravail est la seule réponse compatible avec le nécessaire confinement pour faire face à la pandémie Covid-19. Seul un tiers environ des salariés peuvent y recourir, sans perte de productivité ni de motivation. Pour les professions libérales ou indépendantes, le pourcentage avoisinerait les 50%. Car le travail, pour rester stimulant et créateur de valeur ajoutée, s’exerce prioritairement de façon collective ! L’expérience montre encore que pour le plus grand nombre de salariés, le travail à la maison reste plus performant jusqu’à 2 journées, 2 journées et demi au maximum. Ensuite la motivation baisse drastiquement, ainsi que la productivité. Car notre cerveau est social, notre humanité grégaire, et nous avons besoin d’interaction avec les uns avec les autres.
Le confinement obligatoire que nous vivons nous permettra peut-être d’élaborer de nouvelles stratégies d’intelligence collaborative ou de management à distance.
Travaille-t-on de la même façon à la maison qu’au bureau ? Comment s’organiser à la maison comme au travail ?
Il semble judicieux d’accepter une organisation personnelle souple et flexible, plutôt que de vouloir s’imposer un planning aussi structuré qu’au bureau.
Pour ma part, j’ai opté pour un bureau où je me tiens debout. Toutes les 2 heures environ, j’effectue une pause « émotionnelle » : j’appelle une de mes relations afin de stimuler l’intelligence collaborative. Très concrètement, je réduis ma liste de choses à faire à 4 (puis l’abonde à nouveau, une fois ces 4 choses accomplies) et mes séances (sous forme de conférences téléphoniques) à 15 ou 25 minutes.
Comment gérer les temps de travail hachés ?
Les chercheurs en neurosciences ont établi que nous pouvons, quelles que soient nos facultés intellectuelles, restés concentrer pendant seulement 20 à 25 minutes. Notre esprit a ensuite besoin d’une pause, pour recouvrer toutes ses facultés mnésiques.
Les micro-pauses s’imposent donc (moins de 10 minutes). De façon variable selon les personnes, je déconseille fortement l’agenda rigide dans le cadre du télétravail. Même s’il est fondé sur les meilleures intentions (se doter d’un cadre rigoureux et rassurant), il semble qu’il soit le plus souvent générateur d’un vrai stress, auto-déclaré, grand destructeur d’énergie et de créativité.
Faut-il mettre en place des rituels, partagés avec le/la conjoint(e), et installer un rythme de travail à deux ?
Les couples qui travaillent habituellement de concert (commerçants, artisans…) nous montrent l’exemple : ils se partagent les tâches et chacun définit son périmètre de responsabilité. La situation est plus complexe pour celles et ceux qui ont des métiers différents, parfois concrètement antagonistes comme par exemple, un chercheur ou un architecte, qui a besoin de silence pour se concentrer et un commercial, qui va passer beaucoup de temps au téléphone…
Le confinement obligatoire impose de créer de nouveaux comportements pour éviter que la promiscuité imposée ne détériore les relations intimes.
Rythmes et rituels peuvent être utiles, sauf s’ils deviennent contraignants. Et l’humour ou l’autodérision seront clés dans la réussite de ce compagnonnage renforcé !
Notre famille, conjoint ou enfants, n’ont peut-être pas l’habitude de nous voir dans un environnement de travail. Comment gérer cette situation ? Faut-il imposer des règles ?
Je préconise l’alternance pédagogique, en fonction des âges et des caractères. L’un s’occupe de l’apprentissage scolaire le matin et l’autre d’extérioriser l’énergie des enfants l’après-midi… A chaque famille sa situation et donc son organisation particulière.
Qu’il semble souhaitable de rendre aussi concertée que possible : les enfants ont leur mot à dire sur l’organisation générale du travail en famille, professionnelle ou domestique. Ils peuvent -c’est le plus fréquent- vouloir contribuer, à leur mesure à cette organisation comme aux différentes tâches ménagères, sur la base d’un authentique volontariat. Imposer des règles est vraisemblablement la pire attitude à avoir, en ces moments de grandes tensions et de craintes…
Comment aménager au mieux son espace de travail et éviter de se marcher dessus quand le logement est petit, notamment à Paris ?
Le confinement imposé risque en effet d’engendrer une promiscuité difficile à vivre, d’autant plus que l’espace disponible est limité. Il n’existe pas de solution miracle ou universelle…
Mais il est nécessaire de créer des soupapes de décompression et d’apprendre à bien gérer la pluralité des temps de vie et de travail : temps d’isolements individuels respectés par tous, temps de partages nécessaires, temps de loisirs collectifs…
Le pire serait de rester solitaire devant un écran, quel qu’il soit. Pour celles et ceux qui le peuvent, favoriser les promenades dans la nature sans déroger aux contraintes sanitaires (l’attestation de déplacement dérogatoire) et en prenant toutes les précautions nécessaires, peut s’avérer bénéfique. Voire parfois indispensable. En tout état de cause, cette crise sanitaire mondiale, malgré ses drames et ses conséquences douloureuses, peut devenir l’occasion d’inventer de nouvelles modalités de vie professionnelle et familiale.