
Embarquée dans l'aventure humaine de ManoMano depuis 2016 et après 10 ans dans les métiers de la marque et de la communication, Pauline Boët s'est réorientée vers un poste à impact et s'occupe désormais des engagements sociaux de l'entreprise. Elle est maman de bientôt deux enfants et vit en campagne bordelaise.
Faciliter la parentalité de ses salariés, qu’ils soient parents ou sur le point de le devenir : tel est l’un des enjeux phare, inscrit dans la politique RH de ManoMano. Si la loi a évolué en 2021, avec l’allongement de la durée du congé paternité, la France est encore très en retard en matière d’accompagnement de la parentalité en entreprise. Le spécialiste français du bricolage et du jardinage l’a bien compris. En témoigne Pauline Boët, en charge des problématiques sociales chez ManoMano, au cours d’une interview mêlant action, passion et engagement.
Pouvez-vous nous décrire le dispositif d’accompagnement de la parentalité mis en place chez ManoMano ?
Notre dispositif d’accompagnement de la parentalité est né fin 2018 de la volonté de quelques parents soucieux de transformer une valeur de bienveillance implicite en une véritable politique d’entreprise.
Dès 2019, nous avons allongé la durée du congé maternité d’un mois par rapport à sa durée légale, sans perte de salaire et quelle que soit l’ancienneté des mamans concernées. Pour ne pas freiner leur évolution salariale, les femmes en congé maternité sont automatiquement augmentées, à hauteur de l’évolution moyenne de salaire constatée dans l’entreprise à leur retour. En parallèle, afin de soulager les équipes et d’alléger la charge mentale des futures mamans, nous avons institué le remplacement systématique des collaboratrices absentes.
En septembre 2021, nous avons instauré un congé supplémentaire d’un mois pour les coparents, payé à 100% (fixe et bonus comme si les objectifs avaient été atteints), et accessible quelle que soit l’ancienneté des collaborateurs.
Considérant que la parentalité est un tout qui ne se résume malheureusement pas toujours à la naissance d’un enfant, nous avons enrichi notre dispositif de 3 jours de congés en cas de fausse couche, pour la maman mais aussi pour le coparent. Tout comme les femmes enceintes, les collaborateurs suivant un parcours d’adoption ou de PMA, bénéficient, eux aussi, d’absences autorisées afin d’honorer leurs rendez-vous médicaux ou administratifs.
Ce dispositif se prolonge-t-il après la naissance de l’enfant ?
Absolument. Ce sujet est crucial chez ManoMano car nous savons que la vraie difficulté pour les parents réside dans la gestion du quotidien. La flexibilité, dans les horaires a toujours été ancrée chez nous. Nous l’avons accentuée en permettant aux jeunes mamans de bénéficier d’un 4/5ème ou d’un contrat raccourci pour une durée déterminée, à leur retour de congé maternité.
Nous prévoyons, également, 5 jours d’absence « enfants malades » par an (versus 2 inscrits dans notre convention collective).
Pour l’ensemble des collaborateurs, qu’ils soient parents ou non, nous avons mis en place il y a un an, ce que nous appelons le « work atom ». Ce dénominatif fait référence à la fois à la possibilité de travailler de chez soi (“at home”), mais aussi à la notion symbolique d’« atomes » formant une organisation. Ce système permet à chacun de choisir :
- où il souhaite travailler, dans le pays de son contrat ;
- combien de jours (de 0 à 5) il souhaite exercer en remote et/ou sur site.
Un collaborateur souhaitant s’installer au fin fond des Pyrénées pour concrétiser son projet familial peut le faire, en conservant son activité professionnelle. Je suis convaincue que ce contexte général de remote a favorisé la mise en pratique réelle de cette liberté d’organisation pour les parents.
Pourquoi avoir mis en place ce dispositif d’accompagnement de la parentalité ?
Les 2 fondateurs de ManoMano sont des pères de famille. L’un de 5 enfants… l’autre de 4. S’ils ont quitté leurs précédents postes, c’est, entre autres, parce qu’ils souhaitaient accorder plus de place à leur vie familiale, malgré une activité professionnelle intense.
Ce qui, au départ, était une culture managériale spontanée s’est transformé en politique RH organisée. Le tout s’enrichit au fil du temps et de l’évolution de la vie de nos salariés parents.
Aujourd’hui, cette politique fait partie de notre marque employeur. C’est un élément d’attraction et de rétention des talents. Les femmes, dont les profils techniques sont rares par exemple, y sont particulièrement sensibles car nous leur donnons les moyens de concilier, avec sérénité, parentalité et carrière.
Quel est l’impact de ce dispositif sur la santé au travail des collaborateurs de ManoMano ?
Lorsque les salariés découvrent l’intégralité de nos mesures d’accompagnement de la parentalité, ils sont heureux car ils prennent conscience qu’ils vont pouvoir passer du temps avec leurs enfants.
Globalement, un sentiment de reconnaissance et de soulagement, doublé d’une sérénité palpable au quotidien, anime les équipes. Selon notre dernière enquête mensuelle, 83% de nos collaborateurs considèrent que leur équilibre vie professionnelle – vie personnelle est préservé chez ManoMano.
Lorsqu’une femme part en congé maternité, elle sait qu’elle va être remplacée, ce qui allège considérablement sa charge mentale. Quelqu’un va prendre en main l’ensemble de ses sujets et les lui rendre à son retour. Inutile de redoubler d’effort 6 mois avant son départ pour boucler le maximum de dossiers, ou de les confier à plusieurs personnes. Le travail quotidien des équipes n’est pas affecté non plus puisque cette absence est compensée par un remplacement en bonne et due forme.
Ce dispositif signifie également aux salariés qu’ils ont leur place, en tant que parents, dans l’organisation. Ce sentiment d’appartenance est constitutif du bien-être global qui se dégage dans l’entreprise.
Ré-onboarding spécifique et congé maternité « personnalisé » font partie de votre dispositif d’accompagnement de la parentalité. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Un process de ré-onboarding des jeunes mamans leur permet, effectivement, d’appréhender leur retour de façon progressive et adaptée. Il se compose de plusieurs éléments :
- un guide adressé aux managers pour les aider à accueillir les salariées concernées dans les meilleures conditions ;
- un entretien avec le manager le jour de leur retour, afin d’établir une revue précise de ce qui a évolué, tant en termes de business que d’équipe ;
- un entretien avec le représentant des RH référent, pour savoir comment s’est passée cette période très spéciale, évoquer les possibilités de 4/5ème et parler d‘évolution.
Chaque congé
maternité est envisagé de façon personnalisée. Certaines femmes veulent faire
un véritable break. D’autres souhaitent participer à certaines prises de
décision (budgétaires ou inhérentes à leur équipe, par exemple).
Avant le départ de chacune, nous leur demandons ce qu’elles préfèrent : une
tranquillité totale ou une communication filtrée (et dans ce cas, elles nous
précisent à quel moment, et pour quelle(s) raison(s) elles souhaitent être
contactées).
Comment aider les parents à prendre soin de leur santé mentale ?
L’objectif de notre dispositif d’accompagnement de la parentalité n’est pas de créer la structure du succès absolu, mais de soulager la charge mentale des jeunes parents et d’atténuer au maximum le stress qui entoure cette période très particulière de la vie.
Ses éléments organisationnels ne gomment toutefois pas les difficultés physiques et psychologiques consécutives à un retour de congé maternité. La parentalité est un choc. Malgré la bienveillance des équipes, les femmes qui reviennent peinent à retrouver leurs marques dans une entreprise qui, inévitablement, a évolué en leur absence. Je l’ai vécu personnellement.
Quelques mois après mon retour de congé maternité, j’ai proposé de mettre en place un partenariat avec la plateforme Moka.Care permettant aux collaborateurs d’échanger avec un coach ou un psychologue. ManoMano offre 4 sessions par an à chaque salarié. A ce jour, 11 % des collaborateurs ont fait appel à la plateforme au moins une fois. 19% d’entre eux ont consulté pour des problématiques en lien avec la parentalité.
Envisagez-vous de mettre en place de nouvelles mesures accompagnant la parentalité chez ManoMano ?
Notre politique a d’abord été franco-française, avant d’être adaptée en Espagne où nous avons des bureaux. Avec le déploiement de notre nouvelle politique de « work atom », de plus en plus de salariés travaillent en Allemagne, en Italie et en Angleterre, où nous opérons également. Nous avons donc besoin de mettre en place une vision globale de la parentalité, avec des adaptations légales et culturelles par pays.
Au-delà de cet immense chantier de restructuration, j’aimerais, à terme, que tout le monde, hommes et femmes, ait les mêmes congés dans l’entreprise… ce qui impliquerait d’y consacrer des budgets considérables dont nous ne disposons pas pour le moment.
Nos collaborateurs nous demandent souvent des aides à la garde d’enfants. C’est un sujet sur lequel nous nous pencherons probablement mais qui, là encore, nécessite des budgets importants. ManoMano connaît une croissance considérable (+100% en volume d’affaires en 2020), mais n’est pas encore rentable. Nous ne pouvons donc pas multiplier les mesures à l’infini.
Au-delà de la mise en place de nouveaux dispositifs, j’aimerais surtout solidifier la communication autour des avantages existants. Les effectifs de ManoMano ont cru de 100% entre 2019 et 2021. Si nous ne communiquons pas régulièrement, certains collaborateurs peuvent passer à côté de certaines mesures et ne pas en profiter. Les phases d’onboarding et de ré-onboarding pourraient, par exemple, être améliorées afin d’ancrer encore davantage ses éléments dans l’esprit de tous les salariés.
Ce dernier élément est crucial à mes yeux car la parentalité est la clé de nombreux autres sujets de fond, comme l’égalité des sexes en entreprise ou la préservation de la santé au travail.