Nés à Montréal sous le nom de “salariés sentinelles” et théorisé en France en 2015 par l’ancien médecin urgentiste Philippe Rodet, les bienveilleurs sont ces employés qui veillent quotidiennement au bien-être de leurs pairs, en détectant les signaux faibles d’un mal-être grandissant.
Des salariés engagés pour le bien des autres
Obligatoires dans les entreprises belges depuis 2014, les bienveilleurs, aussi appelés « personnes de confiance » de l’autre côté de la frontière, ont pour mission de détecter et de rediriger les salariés après apparition de signes d’alerte de risques psychosociaux (RPS) : manque d’enthousiasme à participer aux projets collectifs de l’entreprise, perte de patience et de concentration, addictions aux médicaments et à l’alcool, conflits fréquents entre les salariés ou avec la hiérarchie, manque de respect entre collaborateurs, signes de dépression…
Ces salariés volontaires ont, selon Philippe Rodet, une appétence voire une prédisposition à devenir bienveilleurs :
« Ce sont des personnes empathiques et sensibles. Cela est nécessaire pour détecter des personnes apathiques qui peuvent glisser vers la dépression. D’ailleurs, avant d’être formées à détecter les RPS, elles occupaient déjà cette place naturellement. »
De l’entreprise à la cellule psychologique
Chez Bouygues Bâtiment Ile-de-France, par exemple, ces salariés volontaires étaient 96 en 2019. Formés deux jours par le cabinet Stimulus afin de détecter et d’orienter vers les personnes compétentes des collaborateurs fragilisés parmi ses 5 300 salariés de l’entreprise.
Ce même cabinet met à disposition des entreprises : numéros verts et cellules d’écoute tenus par des psychologues et bienveilleurs.
Avec la crise de la Covid-19, les troubles psychologiques ont augmenté pour passer devant les troubles musculosquelettiques (TMS), habituellement deuxième facteur d’arrêts de travail. Selon le baromètre mensuel absentéisme & Covid-19 mars-juillet 2020 de Malakoff Humanis, les RPS dépassent pour la première fois les TMS au mois d’avril (11%/8%), et confirmer l’augmentation en mai (14%/9%) avant de se rétablir légèrement en juin (13%/12%) notamment grâce à la reprise des soins, reportés en majorité pendant le confinement.
Le choc des référents
Un sondage de 2019 de l’institut ViaVoice indique que 73 % des salariés seraient prêts à donner de leur temps pour développer des actions de convivialité et de bienveillance au sein de leur entreprise. Un chiffre important pour les années à venir et qui entre en résonance avec l’analyse de Philippe Rodet :
« Une étude récente aux États-Unis montre que l’accentuation des états dépressifs depuis le début de la crise. Aujourd’hui, on ne voit que tardivement les personnes à titre dépressif. Et le pic de dépression grave sera atteint d’ici 3 à 4 ans. C’est un schéma que nous avons pu constater des crises précédentes. »
Mais quid des référents du personnels et nouveaux référents Covid ? Sur quel pied doivent danser les salariés ?
Les bienveilleurs ont quant à eux un rôle de proximité, confirme l’ancien médecin urgentiste : « Cela peut être une phrase au détour d’une conversation, une question ouverte qui va permettre l’accompagnement direct. Non pas « Comment ça va ? » mais « Tu n’as pas l’air bien, je peux t’aider ? » ». Aussi, les bienveilleurs, à contrario des référents Covid ne sont pas nommés par l’entreprise et n’ont aucune responsabilité sociale et légale.