
Arnaud Marion, dirigeant d'entreprise, expert en gestion des crises, stratégies de transformation des modèles économiques, opérations complexes et restructurations. Il fonde en 2020 l'Institut des Hautes Études en Gestion des Crises (IHEGC) pour former les dirigeants à la gestion des crises et des transformations.
La période de crise que nous traversons est une belle opportunité pour les entreprises de réfléchir sur elles-mêmes avec les bonnes parties prenantes, c’est-à-dire leurs collaborateurs, clients, fournisseurs… Les acteurs du changement sont à l’intérieur de chaque écosystème. L’extérieur inspire, mais la richesse est à l’intérieur. La meilleure assurance vie pour l’entreprise c’est de savoir se transformer pour devenir pérenne !
La crise a permis de mettre en avant un enseignement fondamental, à savoir que l’entreprise est un corps social réaffirmé, plus que jamais vivant. Mars 2020 a été un vrai cataclysme. Les salariés se sont engagés pour leur entreprise aux côtés de la direction. Habituellement, en période de crise, on assiste à un antagonisme entre dirigeants et salariés, là ce fut l’inverse. Cela signifie que les collaborateurs vont attendre beaucoup des mois à venir, ils vont vouloir continuer à être partie prenante du futur de leur entreprise. La crise a révélé des talents, des personnes qui se sont démenées face à l’adversité, ont déployé une énergie incroyable. Elles ont tenu la barre avec courage et panache.
La responsabilité incombe aujourd’hui aux dirigeants de les écouter et de les former pour les aider à déployer pleinement leur potentiel. Les ressources humaines sont donc prioritaires, elles ne doivent pas être traitées à la fin des comités de direction, mais en premier !
Vers un management de la singularité
Les dirigeants vont devoir être à l’écoute, faire preuve de compréhension et penser l’entreprise différemment. Il ne va pas falloir qu’ils déçoivent ! On doit ainsi développer un management de la singularité pour tenir compte des aspirations, parfois différentes, des quatre générations actuellement sur le marché du travail.
Mon conseil aux DRH et managers ? Déstandardiser vos pratiques. La non-homogénéité est une chance. Il faut qu’ils comprennent la singularité de leurs équipes.
J’ai une vision organique, non figée de l’entreprise, dans laquelle chacun peut apporter sa contribution. Les attentes éthiques, notamment en matière de RSE, vont prendre de l’ampleur. Les salariés attendent de leur entreprise qu’elle s’engage davantage, comme les clients vis-à-vis des marques. Au-delà des grands discours, ce sont les actions concrètes du quotidien, tout au long de l’année qui feront la différence !
Le retour de la spontanéité
L’hybridation des espaces de travail est également un enjeu crucial. Il y a quelques années, les codes de la maison se sont invités au bureau, avec des espaces cosy, des canapés, une déco colorée, des tables hautes…
Depuis un an, c’est le bureau qui s’invite à la maison avec une érosion des frontières entre la vie pro et perso. L’année a été pour beaucoup épuisante avec un surinvestissement chronique. Il faut se méfier des effets de mode : je ne crois pas plus au « tout télétravail » qu’au « tout bureau ». Aucune de ces deux solutions n’est la panacée. Il faut désormais retrouver de bons équilibres.
Ce qui nous a le plus manqué ces derniers temps ? Les échanges spontanés et informels. Or, l’intelligence collective a besoin de ces temps imprévus pour fluidifier la communication, favoriser la créativité et faire foisonner les idées.
Aussi performants et agiles soient-ils, les outils collaboratifs pour travailler à distance ne remplaceront pas ces rencontres qui créent une organisation apprenante.
Plus que jamais, la feuille de route des mois à venir n’est pas écrite d’avance, et le test and learn est indispensable pour pouvoir avancer malgré les incertitudes. N’oublions pas que nous vivons dans un monde VUCA (pour Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity). On avait l’impression, erronée, avant la crise du Covid, de tout maîtriser.
Les événements nous ont montré le contraire. Il va falloir continuer à être agile. Prenez le temps de faire des retours d’expériences avec vos équipes, par exemple après des mois de télétravail contraint. Ce n’est pas du tout du temps perdu !