
Le DRH s’est inscrit comme le pilier stratégique dans la gestion de la crise sanitaire, étendant parfois son champ d’action. La COVID a-t-elle, pour autant, redéfini le métier de DRH ? Ses nouvelles prérogatives sont-elles pérennes ? Emmanuelle Germani, DRH de la marque de prêt-à-porter Kaporal, nous parle, avec passion, de l’évolution de sa fonction après un an et demi d’une crise aussi atypique qu’inattendue. Rencontre.
66% des (co-décisionnaires) RH interrogés dans le cadre de l’Observatoire de la fonction RH pensent que leurs missions ont fortement évolué depuis le début de la crise. Vrai ou faux ?
Vrai et faux. La crise nous a forcés à gérer l’humain dans l’urgence. Sur certains aspects organisationnels les RH sont sorties de leur cadre habituel pour équiper les collaborateurs en télétravail ou préparer leur retour au bureau dans des conditions sanitaires sûres.
Dans d’autres domaines, les missions de la fonction RH se sont simplement exprimées différemment. Solliciter les aides de l’Etat dans le cadre de l’activité partielle a été d’une complexité folle. La gestion de la paie est donc devenue urgente et très chronophage.
Toutes les missions autour de l’engagement sont également devenues encore plus stratégiques. Il a fallu accentuer le dialogue social afin de garder le lien avec les collaborateurs.
Durant cette période de crise, le DRH s’est, en réalité, transformé en couteau suisse afin d’adapter les organisations, tout en continuant à assurer ses missions habituelles.
Ces évolutions de la fonction RH vous semblent-elles pérennes ?
Certaines le sont car la crise n’a fait qu’accélérer plusieurs mouvements de fond déjà enclenchés. Je pense à la quête de sens, déjà très présente dans l’esprit des collaborateurs avant la COVID. Le sujet n’est donc pas nouveau. Il est simplement devenu aigu et restera présent dans de nombreux environnements, j’en suis convaincue.
La RSE tombera, peut-être aussi, dans l’escarcelle des RH. Avant crise, le DRH n’était en charge que de son volet social et sociétal (inclusion, diversité, égalité hommes-femmes etc.). Aujourd’hui, le sujet est devenu protéiforme et éminemment transverse. Toutes les directions de l’entreprise vont devoir se pencher sur la question.
Le DRH, disposant d’une vision globale, est particulièrement bien placé pour porter ces projets irriguant tout un chacun dans l’entreprise.
Enfin, je dirais que la crise a modifié le positionnement du DRH au sein des COMEX ou CODIR. La COVID a fait prendre conscience de l’importance de l’humain. Lorsqu’on le néglige, il nous rattrape. Le poids de la personne qui s’en occupe en entreprise a donc certainement été réévalué. L’évolution de la société pousse ce changement à devenir pérenne. Post-crise, la seule vision financière pour piloter l’entreprise apparaît insuffisante
Quel regard porte aujourd’hui la DG sur le métier de DRH ?
L’environnement mouvant dans lequel l’entreprise évolue pousse les organisations à travailler différemment, à adapter leurs organigrammes et leur business model. La DG attend du DRH qu’il accompagne l’entreprise dans ces transformations parce que celles-ci passeront forcément par l’humain. Chez Kaporal, c’est en tout cas là-dessus que je suis attendue.
Quelles sont, aujourd’hui, les attentes des collaborateurs à l’égard du DRH ?
Le DRH doit être capable de leur faire vivre une expérience collaborateur de bon niveau et de prendre en considération l’humain dans sa globalité. Le salarié, aujourd’hui, n’est plus seulement un collaborateur. C’est aussi un citoyen et un parent, dont la vie ne se résume pas à son activité professionnelle. C’est une attente forte dont le DRH doit se saisir, au risque. IL en va de la rétention et de l’attraction de ses talents.
Qu’avez-vous mis en place pour satisfaire ces attentes ?
Chez Kaporal, après un an et demi de crise, nous savons ce qui fonctionne en termes d’organisation. Nous avons donc institué deux jours de télétravail par semaine pour les métiers qui le permettent. Le présentiel est aussi important pour le collectif, et nos collaborateurs ont besoin de se retrouver. Ils nous l’ont dit au travers d’un sondage.
Ces deux jours leur permettent de travailler différemment, de s’exonérer de temps de transport, et d’organiser leur vie personnelle avec plus de souplesse. Une période d’observation d’une année nous permettra d’affiner le dispositif.
Une commission de suivi composée de managers et de collaborateurs observera notamment si le télétravail choisi, et non subi, ne dégrade pas la qualité du travail et fonctionne correctement pour tous.
La crise sanitaire a-t-elle permis au métier de DRH d’être moins administratif et plus humain ?
La crise a, en tout cas, mis en exergue son potentiel à l’être. Elle a révélé le caractère complexe et protéiforme du métier de DRH qui ne se résume plus au paiement des salaires, au pilotage de la masse salariale ou à la gestion des entrées et sorties.
Le DRH est, plus que jamais, sur plusieurs fronts. Se priver de son volet humain, c’est se priver d’une richesse énorme pour l’entreprise, ayant un impact direct sur ses performances. Certains dirigeants et organisations l’ont enfin compris.