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Publié le 19.07.2022

Kaporal mise sur les managers pour préserver la santé mentale des moins de 30 ans

Auteur

Emmanuelle Germani, DRH et DSI de Kaporal 

23 % des moins de 30 ans perçoivent négativement leur santé mentale (versus 16 % de l’ensemble des salariés). 42 % d’entre eux (contre 28 % de l’ensemble) se disent stressés. Ces chiffres émanant de la dernière étude sur l’absentéisme et la santé mentale de Malakoff Humanis sont quelques-uns des marqueurs d’une crise sanitaire et d’un climat politico-économique aux effets dévastateurs sur les jeunes actifs.


Comment se manifeste concrètement leur mal-être ? Quelles solutions mettre en place pour préserver la santé mentale des moins de 30 ans dans ce contexte ? Emmanuelle Germani, DRH et DSI de la marque de prêt-à-porter Kaporal, nous livre ses explications et décrit les dispositifs déployés par l’entreprise marseillaise pour préserver la santé mentale de ses plus jeunes collaborateurs.

Quelle est la part des moins de 30 ans chez Kaporal ?

52 % des salariés de notre réseau de magasins ont moins de 30 ans, ainsi que 18 % de nos collaborateurs évoluant au siège de l’entreprise.

La population de Kaporal est très jeune, puisque la moyenne d’âge de nos salariés est de 32 ans (40 ans au siège – 31 ans en magasin). C’est une particularité sectorielle propre à la branche « retail ».

Constatez-vous une dégradation de la santé mentale de vos salariés de moins de 30 ans ?

La santé mentale des jeunes collaborateurs est incontestablement, et de manière générale, un sujet de préoccupation qui prend de l’ampleur. Même si nous ne l’avons pas étudié de manière formelle, l’absentéisme de cette population est en lien direct avec son mal-être et son défaut croissant d’engagement.

« Post-Covid, les jeunes générations sont déboussolées, pétries de craintes et d’interrogations. Les salariés qui quittent leur poste se questionnent beaucoup quant à leur bien-être au travail et au sens qu’ils lui attribuent. L’entreprise et ce qu’elle promeut, mais aussi la mission en elle-même sont très souvent mises en doute aujourd’hui. »

En parallèle, nous constatons une montée des addictions au sein de cette population. Les jeunes générations ont été les premières touchées par l’isolement et la solitude, ce qui a provoqué un recours, majoré parfois, à l’alcool et aux drogues.

L’absence de lien social fut aussi particulièrement difficile à vivre pour elles. Le marqueur de souffrance chez les jeunes, consécutif à cette période inédite, est très clair pour moi.

Quel lien faites-vous entre mal-être des jeunes générations, absentéisme et engagement au sein de l’entreprise ?

Ce mal-être prévaut-il de manière générale, ou bien le travail, tel qu’il est composé aujourd’hui, en est-il la cause ? Je m’interroge. Nous sommes, je pense, sur un tableau à double entrée.

« La crise sanitaire et ses confinements successifs ont poussé les jeunes salariés à s’interroger quant à leurs aspirations dans la vie. Ces moments de pause ont, probablement, dégradé la perception de leur situation. »

A l’inverse, pendant cette période, les conditions de travail difficiles dans certains secteurs ou au sein de certaines entreprises ont pu déclencher un mal-être et inciter les jeunes générations à prendre de la distance.

Ces questionnements étaient déjà présents avant-crise. La Covid les a exacerbés.

« Pour moi, l’absentéisme n’est que la traduction de la mise à distance progressive des jeunes générations à l’égard de l’entreprise. »

Cette dégradation de la santé mentale des jeunes générations trouve-t-elle ses causes ailleurs que dans la crise sanitaire ?

Nous vivons une période extrêmement anxiogène. Après une longue période de stabilité, on assiste aujourd’hui au retour de la guerre en Europe et de l’inflation. Des phénomènes dont on ne parlait plus depuis des décennies.

Les jeunes générations, sont pour la première fois confrontées à ces situations extraordinaires – au sens étymologique du terme –, et probablement plus démunies que des populations ayant le recul et l’expérience nécessaires pour évaluer la capacité du monde à se relever de crises graves.

L’éco-anxiété joue, également, un rôle majeur dans ce mal-être. Elle fait partie des facteurs de questionnements des jeunes générations à l’égard de l’entreprise et de leur propre mission.

Les organisations doivent se saisir de ce sujet, communiquer sur la manière dont elles gèrent leur impact environnemental. Dans le cas contraire, il y a fort à parier que l’engagement des jeunes générations se délitera, encore davantage, entre autres pour cette raison.

Quelles réponses apportez-vous, chez Kaporal, pour préserver la santé mentale des salariés les plus jeunes ?

L’un des facteurs clés, selon nous, est la relation à l’autre. Tout se passe bien lorsque le collaborateur se sent, en entreprise, comme dans une famille. Pour y parvenir, il est impératif de travailler avec les managers qui vont encadrer ces jeunes, car ils sont les moteurs d’un climat social délétère ou, au contraire, apaisé.

Deuxième élément fondamental : la mise en place de rituels. Si le télétravail permet de retrouver un équilibre vie professionnelle – vie personnelle, il peut, aussi, dégrader la relation à l’autre. Pour compenser cette perte de lien, il est important de provoquer des rencontres régulières. Fêtes consécutives à la sortie d’une nouvelle collection, pique-nique de rentrée nous le permettent, par exemple.

Nous rattachons, également, ces moments d’échange à nos engagements environnementaux. Une fresque du climat a été réalisée récemment, afin de sensibiliser les collaborateurs du siège à ces enjeux. Une balade dans les calanques en bateau hybride a, ensuite, été organisée afin de les connecter au vivant. C’est ça aussi réagir en famille : vivre des expériences ensemble, sur des sujets sociétaux que l’on ne traite pas simplement au travers d’une plaquette marketing.

Enfin, cette période a fait naître le besoin de juxtaposer accompagnements collectif et individuel, notamment sur la mise en place du remote. Chez Kaporal aujourd’hui, les collaborateurs dont le poste le permet peuvent télétravailler jusqu’à 2 jours par semaine.

Selon la façon dont le home office est déployé, il peut contribuer, ou non, à la préservation de la santé mentale des plus jeunes. Compte tenu de leur situation personnelle ou de leur rapport au télétravail, certains salariés ne souhaitent pas recourir à ce mode d’organisation. La consigne donnée aux managers est d’écouter les collaborateurs, tout en tenant compte des besoins de l’entreprise et de la réalité de chaque mission.

Quel est le rôle des managers dans la préservation de la santé mentale des salariés moins de 30 ans ?

Les jeunes collaborateurs, comme leurs aînés, attendent d’eux qu’ils les accompagnent, les aident et les fassent grandir.

« A l’inverse, le management descendant et directif est identifié, aujourd’hui, comme un facteur de démission. »

Pour affronter cette période anxiogène, les collaborateurs doivent se sentir en sécurité, dans un environnement sain, empreint de respect et d’écoute mutuelle. Ce climat de confiance et de sécurité psychologique, essentiel au maintien de la santé mentale des plus jeunes, n’est possible que via les managers.

Leur formation est, à ce titre, un élément clé. Dès septembre, nous remettrons l’accent sur cet élément. A terme, j’aimerais mettre en place des ateliers collaboratifs permettant aux managers d’échanger entre eux sur ce sujet.

Concernant les addictions, les managers jouent un rôle fondamental, également. Pas plus tard que cette semaine, nous avons évoqué avec eux les différents moyens de les outiller pour repérer les situations à risque et adopter les bons réflexes. 

Et celui des RH ?

Leur rôle est d’être à l’écoute des managers, de les appuyer, de les outiller et de les accompagner au quotidien.

« L’entreprise dans son ensemble doit, elle aussi, réfléchir à ce qu’elle fait et à ce qu’elle est au sein de la Cité, au sens philosophique du terme. »

Elle doit être en capacité de réfléchir à son impact environnemental, social et sociétal. Ces sujets sont de premier ordre aujourd’hui pour répondre aux attentes de ces jeunes, en proie plus que jamais au doute. 

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