Il y a deux ans et demi, un ex-cadre a rejoint le Clubhouse Paris qui facilite la socialisation et la réinsertion professionnelle des personnes fragilisées par un trouble psychique : ces derniers représentant 20 % des situations de handicap (80 % des handicaps étant invisibles).
De quels troubles souffrez-vous ?
A la suite de ma rupture avec ma première épouse, je pensais souffrir d’une dépression, on m’a diagnostiqué des troubles bipolaires. J’ai été très bien soigné pendant une douzaine d’années, j’ai pu retrouver une stabilité affective et me remarier. Puis mon état s’est dégradé et j’ai été hospitalisé plusieurs fois avant d’être arrêté professionnellement. S’est ensuivie une période de soins et de suivi médical, d’ateliers psycho-éducatifs qui m’ont permis de comprendre et d’accepter ma maladie.
Avez-vous retrouvé du travail depuis ?
Je travaille pour l’ESCP Business School. À vrai dire, j’y travaille à nouveau depuis février 2020. Je suis directement rattaché à la directrice des études du master en management. C’est elle qui pilote ma participation et m’affecte des missions. On peut dire que je suis une sorte de « super-secrétaire. »
Votre poste est-il adapté à votre fragilité ?
Je préfère parler de « besoin d’adaptation ». Le poste a été taillé pour moi, en tenant compte de ma situation : vingt heures par semaine, de 9 h à 13 h. Je ne me sens pas sous pression mais je me fatigue assez vite et j’ai besoin d’un peu de vacances tous les deux mois. Je n’ai pas eu d’aménagement spécial mais j’ai fait valoir mon désir de socialisation et mon envie d’être dans un bureau avec d’autres personnes.
Bénéficiez-vous d’un accompagnement particulier ?
J’ai rendez-vous chaque semaine avec ma responsable opérationnelle. Elle me donne ses directives et je peux lui poser des questions. J’ai aussi eu la chance d’avoir un accompagnement hebdomadaire en ressources humaines, deux fois par mois à présent, pendant lequel nous faisons le point. Je me sens valorisé dans mon travail et j’ai de bons retours de leur part.
Vos collègues sont-ils au courant de votre handicap ?
J’en ai simplement informé ma responsable RH, pour que les choses soient claires et mieux comprises. Mes collègues ne sont pas au courant, mais s’ils me posaient la question, je leur en parlerais sans problème.
Et le Clubhouse dans tout cela ?
Je suis membre depuis deux ans et demi. Le Clubhouse m’a permis de retrouver une vie à peu près normale et de reprendre confiance en moi. Avec mon staff référent, qui a joué un rôle fondamental, j’ai pu définir un projet de vie, puis professionnel, et regagner
des compétences comme la sociabilité, la ponctualité, l’esprit de synthèse, etc. Même en étant malade, ce sont des choses qu’on peut préparer, comme le fait de connaître ses droits quand on a une Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Aujourd’hui, je participe régulièrement à des ateliers de sensibilisation et des colloques durant lesquels j’apporte mon témoignage.
Qu’est-ce que votre itinéraire vous a apporté ?
J’ai appris à dire quand je ne me sens pas à l’aise avec une situation et à demander de l’aide quand j’en ai besoin, sans en avoir honte. Quand j’étais au plus mal, l’une de mes sources d’anxiété concernait mes ressources financières : j’ai un appartement, un fils en études supérieures. Depuis février, je vis à la fois de mon travail et partiellement de ma pension d’invalidité. Je me sens plus sécurisé
Bonne pratique
Toute structure d’au moins 20 salariés doit employer au moins 6 % de personnes en situation de handicap. En développant au sein de leur structure une Mission Handicap, les entreprises affichent leur volonté d’inclusion via le recrutement et le maintien dans l’emploi de collaborateurs en situation de handicap physique ou mental.
En 1999, Decathlon créait sa Mission Handicap, avec pour objectif d’ouvrir tous les postes aux candidats en situation de handicap. Après la signature d’un premier accord d’entreprise, priorité est donnée à la sensibilisation des collaborateurs, aux plans de formation et à l’aménagement des postes et des temps de travail en lien avec des ergonomes et médecins du travail. Parallèlement, Decathlon se rapproche localement de clubs handisport et de structures spécialisées comme des ESAT (Établissement de service d’aide par le travail) ou des EA (Entreprise adaptée).
En 2010 est déployé un réseau de « référents handicap » – devenus « référents qualité de vie au travail » – qui veillent sur le terrain à la bonne insertion et inclusion professionnelles des employés en situation de handicap. En 2019, l’enseigne de sport employait 750 personnes en situation de handicap, la plupart en CDI, dans ses magasins et services logistiques ou centraux hexagonaux.
Article rédigé par Alexandre Anquart en partenariat avec le média We Demain.