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Publié le 28.11.2016

« L’engagement personnel est capital, pour la performance comme pour le bien-être des personnes. »

Stéphane Diagana* nous livre sa vision de la performance et du bien-être au travail et les conditions pour y parvenir, en s’inspirant du sport et plus spécifiquement du coaching sportif.

Qu’est-ce que « l’esprit sportif » peut apporter aux entreprises et aux salariés ?

Dans l’entreprise comme dans le sport, si l’on est à la recherche de l’excellence, il faut toujours se souvenir que l’on fait partie d’une équipe. De ce point de vue, il n’y a pas de sport individuel, même si l’on est très talentueux !

Une victoire est donc toujours le fruit d’un travail collectif, c’est dans une aventure humaine que l’on s’engage. Dans une compétition sportive ou entrepreneuriale, ce qui fait la différence, c’est la capacité à rassembler des hommes et des femmes autour d’un projet, de valeurs partagées, et de modèles d’action vertueux. Oublier ces aspects entraînera presque toujours une baisse de performance, à court ou moyen terme.

Pourquoi dirigeants et managers ont intérêt à s’inspirer du coaching sportif ?

Les TPE peuvent être comparées à des équipes sportives. Elles réunissent un coach, un ou plusieurs athlètes, des kinésithérapeutes, etc. Dans ces petites structures, le coach n’est pas vraiment en haut de la hiérarchie : il a sa part de responsabilité, mais pendant la compétition, chaque sportif est seul.

Je pense que les entreprises devraient s’interroger sur ces points : la personne qui va s’engager dans un processus compétitif aura-t-elle envie de le faire ? Sera-t-elle pleinement convaincue de ses chances de réussite ? Aura-t-elle confiance dans le projet, dans ses capacités, dans celles de l’équipe ?

La performance passe par tout cela ! Le sport en apporte la preuve de façon éclatante, mais cette prise de conscience n’est probablement pas générale dans nos entreprises. Ces dernières se définissent trop souvent par de grands effectifs et par des process extérieurs aux individus.  Mais il ne faut pas oublier que, à un moment donné, c’est un individu qui va réaliser ce process : s’il considère que ce n’est pas le bon, il ne sera pas « engagé » et des difficultés risquent fort d’apparaître.

Quelles peuvent être les conséquences de ce manque d’engagement des salariés ?

Selon une étude Ipsos-Steelcase, sur 17 pays, les Français seraient les collaborateurs les plus désengagés. Ils ne seraient que 5 % à se sentir pleinement engagés et satisfaits (contre 13 % au niveau mondial), et ils seraient même 18 % à être fortement désengagés et insatisfaits (contre 11 % au niveau mondial). Même si ces chiffres ne concernent probablement pas les TPE et les start-up, ils posent question…

Dans le sillon du désengagement, la fatigue psychologique et physique pourra s’installer, avec des conséquences lourdes pour l’entreprise : absentéisme, accidents du travail, turn-over, apparition ou aggravation de Troubles Musculo-squelettiques (TMS) ou de Risques Psychosociaux (RPS)… Bilan : une baisse des performances et de l’attractivité de l’équipe ou de l’entreprise concernée.

Comment expliquez-vous ce désengagement et comment y remédier ?

Bien souvent, en entreprise, l’objectif fixé par la direction est pertinent sur le plan économique. Mais son sens va se perdre ou se diluer en descendant dans les strates de l’entreprise. Il serait démagogique de dire que « ceux d’en haut sont coupés des réalités du terrain ». Ces dernières peuvent très bien avoir été prises en compte par la direction, des leviers de performances peuvent avoir clairement été identifiés, mais cela ne suffit pas. Si la pertinence du diagnostic d’une part et la cohérence entre les moyens et les objectifs d’autre part ne sont pas partagés par les opérationnels, le projet s’en trouve grandement fragilisé. Sans cette démarche de partage indispensable au développement du sentiment de compétence des équipes vis à vis d’un objectif, point de confiance et donc point d’engagement !

Ce processus descendant doit donc être accompagné, sinon un climat anxiogène risque de s’installer, lié à des incompréhensions et à des non-dits. Pour éviter cette situation, il paraît souhaitable à minima d’interroger régulièrement les personnes sur leur perception des objectifs, ou sur les conditions d’exécution des tâches.

Cette écoute des remontées d’informations venant du terrain est valorisante : elle manifeste un certain niveau de confiance. De plus elle pousse l’individu, ou l’équipe, à améliorer ses performances, et à émettre des critiques vigilantes et constructives. Certes, cela peut amener des discussions et le sentiment d’une perte de temps mais, au final, tout le monde y gagne. Chacun peut ainsi se sentir compétent, impliqué et personnellement engagé dans la performance globale de l’entreprise.

Comment gérer les contre-performances ?

Dans certains cas, les contre-performances d’une équipe sont dues à la volonté – généralement inconsciente – de montrer au décideur qu’il avait tort. C’est souvent le prix d’une certaine démotivation, d’un non-engagement. Pour y remédier, en sport comme en entreprise, le coach ou le dirigeant doivent réussir à convaincre : ils pourront s’appuyer sur leur charisme, leurs convictions, ou sur leurs capacités à faire la preuve, mais ils doivent convaincre ! Pour cela l’entraîneur devra voir le développement de l’expertise de l’athlète comme une source d’enrichissement et de performance et non comme une source de contestation et de remise en cause.

Selon vous, comment faudrait-il manager des salariés ?

Le management « à l’ancienne », qui consiste à surveiller les salariés et à réduire leur autonomie, conduit au présentéisme, c’est-à-dire à une forme de désengagement. Plus d’1 salarié sur 4 se dit soumis à des contrôles ou surveillances permanents exercés par la hiérarchie (27 %**).

Selon moi, manager n’est pas surveiller : tout comme un coach n’est pas là juste pour surveiller « son » athlète. Manager c’est expliquer les objectifs et les responsabilités, répondre aux interrogations, faire monter en compétence, gérer les crises…

À condition de ne pas engendrer de stress, le management par objectif me semble formidable en termes de responsabilisation : si on se met d’accord sur les moyens et qu’on laisse les gens s’organiser, on peut être exigeant avec eux et ils le seront avec eux-mêmes. Souvent, en France, on se plaint d’un manque de responsabilité mais il faut créer un contexte qui y soit favorable, dans l’intérêt de tous.

* Diplômé de l’ESCP Europe, Stéphane Diagana intervient régulièrement auprès d’entreprises, pour sensibiliser les salariés et les dirigeants à l’impact négatif de l’inactivité physique sur le bien-être individuel et sur la performance individuelle et collective.

** Source citée par l’INRS.