Ce mois-ci, nous avons choisi d’investiguer un mode d’organisation du travail en développement dans les entreprises : le travail à distance. Pour cela, nous avons mené une étude pour le comptoir mm de la nouvelle entreprise auprès de 1507 salariés et 401 dirigeants d’entreprises du secteur privé d’au moins 10 salariés[1]. Cette dernière nous apprend que le télétravail est devenu une réalité pour 1 salarié sur 4 ; une pratique amenée à se développer. En effet, connues à ce jour de seulement 42% des salariés, les ordonnances du 22 septembre 2017 encouragent le recours au télétravail pour les entreprises. Désormais, il n’est plus nécessaire de le formaliser dans le contrat de travail, il suffit d’un accord collectif ou d’une charte qui après avis du Comité économique et social, en précise les modalités. Par ailleurs, notre étude nous révèle que 56% des salariés qui ne télétravaillent pas valorisent ce dispositif et aimeraient pouvoir en bénéficier. La question suivante se pose alors : le télétravail est-il gagnant-gagnant pour les salariés et les entreprises ?
Le travail à distance est majoritairement pratiqué de manière informelle et non contractualisée
Si 25% des salariés français (d’entreprises de plus de 10 salariés) exercent un travail à distance, seuls 6% sont des télétravailleurs contractuels. En effet, 19% des salariés télétravaillent de manière tacite, c’est-à-dire informelle et non contractualisée. Pour plus de 7 télétravailleurs contractuels sur 10, la possibilité de travail à distance résulte d’un choix personnel. Dans 29% des cas, il s’agit d’une pratique imposée par l’entreprise. La majorité des télétravailleurs travaillent dans les services, essentiellement dans les secteurs de l’information, de la communication et des télécommunications. Parallèlement, les cadres sont eux aussi particulièrement représentés de même que les managers encadrants plus de dix personnes et les salariés aidants. La mise en œuvre du télétravail dépend, en outre, de la taille de l’entreprise : 31% des entreprises comptant au moins 250 salariés contractualisent le télétravail et 32% l’autorisent tacitement.
Dirigeants comme salariés estiment globalement bénéfique la mise en place du travail à distance…
Les télétravailleurs et dirigeants attribuent de nombreux bénéfices au travail à distance. Pour les télétravailleurs, le travail à distance permet une meilleure autonomie (90%) ainsi qu’une plus grande productivité (87%) et un engagement accru (82%) ; un ressenti largement partagé par les dirigeants. Les bénéfices du télétravail se mesurent également en termes de bien-être et d’épanouissement personnels en permettant un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle (87%), une diminution de la fatigue (86%), une santé améliorée (81 %) et un plus grand épanouissement dans le travail (78 %). Du côté des dirigeants, l’engagement des salariés (82%) ainsi que la responsabilisation et l’autonomie (80%) arrivent en tête des bénéfices. L’amélioration de l’image de l’employeur est également citée dans ce cadre (68%).
… Mais il ne faut en ignorer les risques, sur le plan du relationnel et de la dynamique collective
Une question essentielle se pose aux entreprises : autorisés à travailler sans être forcément présents, les salariés conservent-ils le même rapport à l’entreprise et au groupe ? Du côté des salariés comme des dirigeants ressortent en effet deux craintes : l’une touche au relationnel, l’autre à l’organisation personnelle. Ainsi, la perte de lien social et le risque d’isolement vis-à-vis du collectif sont cités en tête des inconvénients par 65% des salariés. Ils sont aussi mentionnés par 47% des dirigeants, qui ajoutent la difficulté à encadrer des collaborateurs à distance (38%). Les salariés télétravaillant plus de deux jours par semaine sont plus nombreux à en percevoir les inconvénients et les moins satisfaits par cette pratique sont les salariés âgés de moins de 30 ans (16%).
La durée idéale de télétravail serait de deux jours par semaine
Les travaux issus de notre partenariat avec la Chaire de Prospective et Développement durable sur les enjeux de santé liés au télétravail recommandaient un déploiement sur toute la semaine du travail à distance. Notre étude tempère ce propos. En effet, malgré les avantages que le travail à distance procure, près de 6 salariés sur 10 pointent, dans ce dispositif, la difficulté à séparer les temps de vie privée de ceux de travail quotidien. Il apparaît finalement que la durée de télétravail idéale selon les travailleurs serait de 2 jours. Au-delà, le lien au travail devient plus compliqué. Sa légitimation dans l’entreprise passe donc par l’intégration du télétravail dans une politique de santé et qualité de vie au travail globale et par la formation des collaborateurs.
Le télétravail implique de passer du management de contrôle au management de confiance
En réalité, le télétravail nécessite une application du management à distance et la mise en place d’actions collectives. Il s’agit de passer du « management de contrôle » au « management de confiance », en fixant des objectifs mais en laissant aux salariés une autonomie de réalisation – appréciée par la grande majorité des télétravailleurs. Accepté par le management et les salariés, pensé dans un climat de confiance, le télétravail permet de trouver un équilibre entre souplesse et productivité, entre qualité de vie au travail et performance.
[1] Étude Ifop pour le comptoir mm de la nouvelle entreprise – Perception sur le télétravail : regards croisés salariés / dirigeants