L’intelligence artificielle, « IA », est bien aujourd’hui une réalité : elle se multiplie dans des cas d’application de nos vies quotidiennes (objets connectés, reconnaissance faciale, auto-complétion du texte sur les messageries en ligne, optimiseur de trajet,…) opérant de manière invisible sur une grande part de nos outils technologiques, privés comme professionnels. Conséquence de cette utilisation accrue de technologies ayant recours à l’IA, la connaissance et perception globale de l’IA dans les entreprises progressent ; on assiste à une prise de conscience générale sur l’importance de son développement. Et si elle soulève des préoccupations fortes, en terme d’éthique et en matière d’emplois, elle pointe aussi de nombreux impacts positifs sur l’organisation en entreprise et sur le capital humain.
La 2ème édition du baromètre sur l’IA et le capital humain, réalisé par Malakoff Médéric Humanis et le Boston Consulting Group (BCG) met ainsi en avant les avancées de perception de l’IA dans les entreprises et les impacts du développement de l’IA sur les cinq dimensions du capital humain.
3 grands constats sont à retenir de l’étude
Une meilleure connaissance et perception globale de l’IA dans les entreprises
Plus de 8 dirigeants et salariés sur 10 estiment connaître le sujet de l’IA, en nette progression en un an (+6 points vs 2018) ; et plus de 7 dirigeants sur 10 se disent prêts à travailler avec une IA ou à appliquer des décisions prises par des algorithmes fondés sur des techniques d’IA (+6 points en un an). C’est le cas également d’1 salarié sur 2. Cette meilleure connaissance et compréhension va de pair avec une prise de conscience générale de l’impact de l’IA sur les entreprises, prise de conscience particulièrement avérée chez les managers.

Mais cette prise de conscience de l’importance de l’IA qui s’accélère peine à se concrétiser dans la stratégie des entreprises en 2019 : bien que l’IA soit de mieux en mieux comprise et de plus en plus utilisée, 4 dirigeants sur 10 estiment leur entreprise en retard sur le sujet et seules 18 % des entreprises en font un enjeu stratégique à l’heure actuelle. Ce chiffre devrait néanmoins doubler d’ici cinq ans.
Des impacts forts sur les cinq dimensions du capital humain
Les questions d’éthique, préoccupation première des entreprises
A mesure que l’IA se démocratise, des questions sur son impact social et éthique se posent. Liées à l’utilisation des données, et des algorithmes, au respect de la vie privée, à la protection des données personnelles, ou au niveau de contrôle de l’entreprise sur les salariés, les questions éthiques apparaissent de fait comme de véritables préoccupations pour les entreprises et leurs dirigeants. Pour 45% des dirigeants et 34% des salariés, l’éthique est leur principale inquiétude. Cette préoccupation semble partagée par tous, dirigeants, DRH, managers et salariés, indépendamment de la taille de l’entreprise, même si elle apparait plus importante au sein des plus petites entreprises (48 % pour les moins de 100 salariés).

« L’hybridation » et la création, principal impact de l’IA sur les activités devant le remplacement de tâches
La question de l’impact de l’IA sur l’emploi est souvent résumée à un calcul arithmétique entre les activités supprimées et les activités créées par l’intelligence artificielle. Il apparaît dans ce second baromètre IA et Capital Humain que l’impact le plus attendu de l’IA sur les activités sera l’hybridation.
Pour 62% des dirigeants, l’arrivée de l’IA en entreprise va en effet profondément modifier les activités des collaborateurs, à travers un phénomène d’hybridation des tâches, manifestation plus massive et plus exigeante pour les organisations qui va au-delà de la dynamique de suppression (42%) et création (60%) d’activités.
Si les dirigeants et managers sont conscients de cet impact, plus largement anticipé encore par les entreprises pionnières sur l’IA, les salariés ont besoin de pédagogie. Celle-ci s’opère naturellement dans les entreprises en avance sur l’IA, au sein desquelles les salariés anticipent plus fortement l’hybridation des activités.
Dirigeants et managers globalement convaincus que le développement de l’IA améliorera la santé au travail
Au-delà de l’hybridation des activités et des enjeux éthiques, la santé et la qualité de vie au travail pourraient bénéficier de l’intelligence artificielle, par exemple par le biais d’innovations comme les objets connectés (mesure de la qualité de l’air, de l’activité physique), la reconnaissance d’images pour les risques (en usine notamment), la robotisation (cobots et exosquelettes)…
Les retombées positives de l’IA sur la santé au travail sont affichées par 70% des dirigeants et 73% des managers, et progressent par rapport à l’an dernier (+4 points). L’IA est en effet identifiée comme pouvant :
- aider à prévenir les accidents et les problèmes de santé : plus de 50% des dirigeants et plus de 60% des managers y voient un impact positif pour la prévention et les actions de santé individuelles et collectives grâce notamment à l’émergence et l’utilisation d’objets connectés, mais aussi pour la sécurité et les risques d’accidents, ou encore sur le pilotage des indicateurs de santé au travail (arrêts de travail, climat social…)
- limiter les maladies professionnelles, réduire l’absentéisme (perçus par plus d’un tiers des dirigeants et plus de 50% des managers).
Les salariés, quant à eux, semblent moins convaincus et surtout moins enclins à se prononcer sur les bienfaits potentiels de l’IA sur la santé au travail (seuls 38% y voient un impact positif, et plus d’un tiers ne se prononcent pas), difficulté à se projeter et à identifier les transformations à venir.
Des impacts de l’IA également attendus sur la gouvernance et le management.
Dirigeants et managers sont optimistes sur l’amélioration des organisations et des modes de prise de décision (cas de 70% des dirigeants et managers). L’autonomie des collaborateurs, la rapidité et la moindre centralisation des prises de décision, l’amélioration des méthodes de travail et l’organisation de l’entreprise seront, selon eux, amenés à évoluer et impacter positivement les modes de fonctionnement des entreprises.
Là encore, les salariés se détachent dans leur appréhension du sujet : un tiers d’entre eux seulement voient dans l’émergence de l’IA un facteur d’une amélioration de la gouvernance et du management.
« Ces changements organisationnels majeurs prennent du temps et leur réussite dépendra majoritairement de leur accompagnement managérial. » précise David Giblas, Directeur Innovation Digital et Data de Malakoff Médéric Humanis. « Il s’agit de permettre aux salariés et managers d’adapter l’IA à leur quotidien, de constater en quoi celle-ci modifie les manières de travailler et permet de créer de la valeur ajoutée. Cela permettra de démystifier le pouvoir de l’IA auprès des salariés. »

L’IA fait naître l’espoir d’une amélioration de l’intérêt des tâches malgré la peur de la déshumanisation du travail
La dernière dimension du capital humain, la création et le partage de la valeur, fait l’objet de regards hétérogènes. Si les dirigeants et managers s’accordent sur le fait que l’IA contribuera à une amélioration de la valeur ajoutée du travail et de l’intérêt des tâches (respectivement à 66% et 65%), 42% des dirigeants, 35% des managers et 40% des salariés voient l’arrivée de l’IA comme un facteur de détérioration du lien social et de la dimension humaine du travail.
Enfin, les salariés sont plus nombreux à redouter une détérioration de la qualité des emplois avec l’IA : 34% d’entre eux anticipent un impact négatif de l’IA sur le sujet alors que seulement 23% y associent un impact positif.
Le rôle clef du DRH dans l’adoption de l’IA
Les fonctions managériales, et notamment les DRH, ont un rôle majeur à jouer dans le déploiement de l’IA et son adoption par tous au sein de l’entreprise. Captation des talents, gestion des compétences, gouvernance, santé et qualité de vie au travail … 70% de la réussite dépend de l’accompagnement managérial.

Des attentes fortes vis-à-vis des DRH
• 87% des dirigeants estiment que c’est le rôle des Ressources Humaines d’identifier les évolutions des compétences nécessaires
• 80% d’entre eux jugent qu’elles doivent accompagner les responsables de l’entreprise dans la prise en compte de l’IA.
En complément, les dirigeants attendent également des DRH qu’ils analysent et anticipent l’impact de l’IA sur la santé et la qualité de vie au travail (83%), qu’ils luttent contre les biais, par exemple de discrimination, pouvant être induits par l’IA (78%) et qu’ils intègrent l’IA dans le dialogue social de l’entreprise (78%).

Les attentes vis-à-vis des DRH sont notamment plus fortes au sein des entreprises pionnières sur le thème de l’IA et les DRH y sont considérés comme mieux armés en termes de compétences et d’outils (17 points d’écart au niveau des dirigeants).
Un DRH démystificateur et facilitateur
Tout d’abord, le DRH doit avoir un rôle de démystificateur auprès des salariés.
Les enjeux de l’IA sont certes mieux perçus que l’an dernier – 86% des salariés connaissent la notion d’IA soit cinq points de plus qu’en 2018. Il n’en reste pas moins que 40% des salariés seulement se déclarent prêts à appliquer des décisions prises par l’IA (7 points de plus qu’en 2018).

Une fois la confiance amorcée et établie auprès des salariés et managers, le DRH doit avoir un rôle de facilitateur en aidant à la structuration d’une filière data, aux formations sur les « bases » de l’IA, aux réflexions sur les enjeux éthiques et à l’accompagnement des premières équipes métiers introduisant l’IA dans leurs processus.
Méthodologie
Ce baromètre sur l’impact du déploiement des technologies d’IA sur le capital humain des entreprises est réalisé conjointement par Malakoff Médéric Humanis et le Boston Consulting Group. Il a été mené auprès de plus de 1800 personnes– dirigeants, managers et salariés sur l’impact de l’IA en entreprise. Ce recueil a été réalisé par téléphone auprès de dirigeants d’entreprises privées ou publiques de plus de 50 salariés (hors fonction publique et éducation nationale) et par une enquête en ligne auprès de managers et de salariés d’entreprises privées ou publiques de plus de 50 salariés (hors fonction publique et éducation nationale) du 11 au 30 avril 2019.
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