Aujourd’hui, la France compte 11 millions de proches aidants, et près de la moitié occupent un emploi. La reconnaissance et le soutien de cette population en augmentation, fragilisée par la crise sanitaire, devient un enjeu social majeur pour les entreprises et attire l’attention du gouvernement qui souhaite les intégrer à la plateforme RSE.
A cette occasion, l’observatoire Malakoff Humanis sur les salariés aidants publie des résultats qui soulignent la fragilité de leur santé mentale et le besoin de reconnaissance et de soutien qu’ils attendent des entreprises.
Qui sont les aidants en 2021 ?
En 10 ans, le nombre de salariés aidants s’occupant régulièrement d’un proche dépendant ou malade n’a cessé d’augmenter. Ils représentaient 9 % des salariés en 2010 et 21 % en 2021, soit un salarié sur cinq du secteur privé. Une augmentation globale régulière, indépendante d’un effet « boom » lié à la crise sanitaire : ils étaient 16 % en 2014, 18 % en 2016 et 20 % en 2018.
La majorité d’entre eux apporte une aide hebdomadaire à un proche (54 %), les autres se partageant entre l’apport d’une aide mensuelle (26 %) et d’une aide journalière (20 %). Ces aides peuvent être morales (soutien, présence) mais également administratives (démarches en ligne, gestion administrative et du budget) et recouvrir des tâches de la vie quotidienne (courses, ménage, soins).
Stress, fatigue, maladie… les aidants sont plus vulnérables
Si 62 % des proches aidants en emploi se déclarent en bonne santé et 75 % estiment avoir une bonne hygiène de vie (sport, alimentation équilibrée), il semble exister un décalage entre leur déclaration et la réalité. Un tiers des salariés aidants indique avoir des troubles de sommeil et 15% déclarent être en risque face aux pratiques addictives (plus que la moyenne des salariés, respectivement 29% et 10%). De plus, 47% des aidants en emploi déclarent avoir récemment ressenti des douleurs (maux de tête, tensions, etc.), contre 28 % des salariés en général.
La santé physique des proches aidants est notamment affectée par leur état psychique fragilisé par le soin qu’ils apportent à leurs proches. Ils sont ainsi plus fréquemment victimes de situations de souffrance psychologique (28 % des aidants en emploi contre 19 % des salariés), plus sujets au stress et à la fatigue (39 % se sentent émotionnellement épuisés contre 27 %, voire à bout de force pour 34 % des salariés aidants). Globalement, ils jugent moins bien leur santé mentale (seuls 57 % la jugent bonne contre 65 %).
Outre une vulnérabilité psychique, les proches aidants accumulent souvent les fragilités personnelles (situation financière délicate, deuil, divorce, isolement, etc.), rendant plus difficile encore la tenue de leur rôle et la gestion de leur charge mentale. Les salariés aidants qui vivent seuls, avec ou sans enfant(s), déclarent par ailleurs un état de santé plus affectée que les salariés aidants en globalité.
La qualité de vie des aidants affaiblie par la crise
La situation des aidants familiaux s’est vue considérablement complexifiée par la crise sanitaire et 64 % estiment avoir rencontré des difficultés à assumer leur rôle pendant le confinement. La crise a également été synonyme d’une augmentation significative des problèmes de santé et des fragilités psychologiques, en particulier chez les salariés aidants déjà vulnérables par ailleurs. Ainsi, 43 % déclarent avoir ressenti de la fatigue (contre 34 % des salariés), 29 % ont ressenti des douleurs physiques (contre 19 %) et 25% ont subi des baisses de motivation au travail.
Les confinements successifs ont également eu un impact négatif sur les relations sociales des aidants, qui se sont dégradées pour 18 % d’entre eux. Près d’un quart des salariés aidants a également souffert d’isolement professionnel.
Être proche aidant et travailler : un équilibre difficile pas toujours suffisamment reconnu par l’entreprise
39 % des aidants expriment avoir des difficultés importantes à concilier vie professionnelle et engagements personnels (contre 32 % des salariés), 53 % d’entre eux estimant ces difficultés directement liées à leurs fragilités personnelles.
Si les salariés aidants considèrent le travail comme un élément positif de leur vie, leurs fragilités détériorent leur qualité de vie au travail (QVT). Ils sont ainsi plus sensibles à l’épuisement professionnel, au stress au travail et aux baisses de vigilance et d’attention.
La crise a engrangé des questionnements sur leur futur professionnel : 38 % des aidants déclarent ainsi vouloir changer de travail ou d’employeur. Une des raisons invoquées est la négligence des entreprises, un tiers des proches aidants estimant que leur entreprise ne s’est pas préoccupée des souffrances psychologiques de ses salariés pendant la crise.
La situation personnelle complexe des proches aidants induit également une tendance plus élevée à l’absentéisme. Ceux-ci recourent ainsi plus fréquemment à un arrêt de travail (47 % l’ont fait au moins une fois dans l’année, contre 36 % des salariés) et ont plus fréquemment des absences non prévues (40 % contre 28 %). En revanche, les salariés aidants renoncent plus fréquemment à leurs soins que la moyenne afin d’assurer leurs missions professionnelles : 68 % des aidants ont déjà travaillé malades, contre 56 % pour l’ensemble des salariés.
Aide aux aidants & RSE : quel rôle pour l’entreprise ?
Seul 21 % des salariés aidants estiment aujourd’hui que leur entreprise agit pour les soutenir, alors que 41 % d’entre eux pensent qu’elle devrait le faire prioritairement. Parmi les attentes des aidants vis-à-vis des devoirs sociaux des entreprises (également partagées par l’ensemble des salariés), l’étude révèle trois champs d’actions prioritaires :
- l’accompagnement des travailleurs fragiles,
- l’évaluation des risques en termes de santé des salariés,
- la sécurisation sanitaire des espaces.
Pour mieux accompagner leurs aidants, les entreprises pourraient notamment leur proposer des services spécifiques, comme des formations pour apprendre à alléger sa charge mentale, pour bien vivre sa situation d’aidant, ou encore un accompagnement face aux situations de fragilité. Enfin, les entreprises doivent apprendre à mieux communiquer sur les aides disponibles pour les aidants, 69 % souhaitant la mise en place d’actions de communication dédiées.
Néanmoins, l’aide aux aidants peut être entravée par la crainte des répercussions sociales si leur situation venait à être révélée publiquement. Une partie des aidants tient ainsi au maintien d’une certaine discrétion autour de l’aide qu’ils apportent à leur proche, principalement par peur d’être stigmatisé (42 %), par manque d’envie de partager des situations personnelles (41 %), ou même à cause de la peur de voir leur évolution professionnelle en être pénalisée (41 %), voire d’être licencié (39 %). Les entreprises souhaitant apporter plus concrètement une aide aux aidants doivent donc faire preuve de diplomatie et s’assurer que l’aide proposée ne donne pas aux aidants le sentiment d’être exposés ou injustement pénalisés professionnellement.