Des carrières irrégulières et plus longues, des seniors actifs plus nombreux, un report du départ à la retraite qui fait débat, l’allongement de la vie professionnelle (AVP) devient un sujet de plus en plus stratégique pour les entreprises. Pour Richard Abadie, directeur général de l’Anact, il est temps de sortir d’une logique curative et courtermiste si on veut mieux anticiper les enjeux liés à la gestion des âges.
Quels sont les principaux défis des entreprises face à l’AVP ?
Au moment de partir en retraite, près de 50% des salariés de 62 ans ne sont déjà plus en emploi ; ils sont au chômage, en invalidité, inactifs, ou encore inscrits dans des dispositifs de maladies longue durée. L’allongement de la durée des carrières professionnelles et le maintien en emploi des salariés âgés restent donc de véritables enjeux. D’autant plus que certaines situations de travail connues pour présenter des risques spécifiques continuent de progresser. On pense notamment au travail de nuit ou en horaires décalées, ou au travail répétitif sous contraintes de temps.
On sait que ce sont les trajectoires des personnes, leur état de santé et les conditions de travail qui favorisent en grande partie- ou pas – leur maintien en emploi. C’est donc bien à une action visant à améliorer les situations du travail qu’il faut s’atteler dans les entreprises.
Comment aider les seniors à rester actifs dans leur 2ème partie de carrière?
Il faut d’abord s’assurer que les salariés âgés bénéficient effectivement des mesures existantes dans l’entreprise en faveur de la santé au travail et de la construction de véritables parcours professionnels. Si ce n’est pas le cas, des actions spécifiques peuvent être prises : communiquer sur les actions de prévention, s’assurer que les postes sont ouverts, adapter les modalités de formation à tous les âges….
Pour faire des collaborateurs les acteurs de leur santé au travail et de leurs parcours professionnels, il convient de les associer à la définition et à la mise en place de ces actions.
Ils ont des choses à dire sur ce qui peut améliorer la façon de travailler, la santé au travail, et permettre ainsi de maintenir l’employabilité…
Selon notre étude, seul 1 dirigeant sur 5 indique agir pour faciliter l’AVP. Comment favoriser le passage à l’acte ?
La nécessité de favoriser l’attractivité, de maintenir les savoir-faire, de limiter l’absentéisme peuvent constituer de puissants leviers pour agir. En repérant ce qui se fait dans d’autres établissements, certaines entreprises prennent conscience qu’on peut sortir de la recherche de solutions au cas par cas en urgence face à des problèmes d’inaptitudes, d’arrêt maladie ou encore d’employabilité et agir plus en amont sur les causes : des situations de travail particulièrement difficiles physiquement ou psychiquement, le manque d’autonomie dans le travail, l’absence de perspectives professionnelles …
Quels conseils donneriez-vous pour préparer le mieux possible à l’AVP ?
Il faut aider les entreprises à sortir d’une logique curative à court terme pour développer des mesures préventives en matière de santé au travail et de construction de véritables parcours professionnels ; avec le double objectif de limiter les situations d’inaptitude chez les salariés vieillissants ainsi que l’usure prématurée des plus jeunes.
Limiter la pénibilité et les expositions à des situations de travail difficiles, disposer d’un éventail de postes de travail adaptés aux salariés en situation de fragilités, permettre aux salariés de développer leurs compétences tout au long de la carrière, mieux les associer aux projets de transformation sont quelques pistes d’actions utiles pour agir en ce sens.
Comment l’ANACT aide les entreprises sur ce thème ?
Nous avons accompagné de nombreuses entreprises sur les questions de l’allongement de la vie professionnelle dans le cadre de partenariat avec la Cnamts, la Cnav, mais aussi avec des branches professionnelles. Les outils et méthodes du réseau Anact-Arat sont accessibles pour les entreprises qui veulent passer à l’action. Nous développons également des projets visant à favoriser le maintien en emploi des personnes en situation de fragilités, par exemple des salariés atteints de maladies chroniques évolutives ou de cancer, en partenariat avec l’Inca notamment. Autant de sujets qui sont eux aussi liés à l’allongement de la vie professionnelle.